Ah, le riz… Cela fait plusieurs années que j’accumule des données sur lui… mais il y en a tellement et parfois si contradictoires et erronées qu’il m’a fallu attendre aujourd’hui pour les consolider et commencer à les publier…
Certes, ce n’est pas le riz mais le blé qui est la céréale la plus produite dans le monde : 700 millions de tonnes nettes en 2013.
Mais le riz, avec une production de 500 millions de tonnes nettes en 2013, est lui redevenu, depuis le milieu des années 2000, la première céréale du monde utilisée pour l’alimentation humaine. En effet, actuellement, un peu plus de 30% de la production de blé est utilisée pour l’alimentation de bétail, d’animaux de basse-cour où en pisciculture alors que le riz n’a toujours été destiné qu’à l’alimentation des hommes (et éventuellement de certains de leurs animaux de compagnie…).
En Asie, depuis des temps immémoriaux, la place du riz est si importante que, dans plusieurs langues et dialectes orientaux, les mots utilisés pour désigner la nourriture et le riz seraient les mêmes et le mot manger sans autre précision signifierait manger du riz.
Le riz fournit en effet plus de 50% des besoins énergétiques alimentaires dans de nombreux pays, surtout dans le sud-est asiatique : 80% au Cambodge, 76% au Myanmar (nouvelle appellation officielle de la Birmanie), 73% au Bangladesh, 68% au Viêt-Nam, 58% en Thaïlande, 59% en Indonésie et 53% à Madagascar, selon des données de la fin des années 1980.
Actuellement, la Chine et l’Inde assurent à elles deux environ 50% de la production mondiale et l’ensemble de l’Asie, 90% ! Le premier pays producteur non-asiatique est désormais le Brésil (1,8% de la production, suivi par les USA (1,4%) puis l’Égypte (1,1%). L’Italie avec environ 0,2% de la production mondiale, est le 1er producteur européen mais le 28ème au niveau mondial et la France ne représente que 0,02% de la population mondiale !
La plante
Riz est le nom français des plantes du genre Oryza (qui signifie riz en grec). Ce genre appartient à la famille des Poacées, les anciennes Graminées, comme la plupart des autres plantes dites « céréales » (blé, maïs, orge, avoine, seigle, mil, …) à l’exception du sarrasin de la famille des Polygonacées (comme la rhubarbe et l’oseille), du quinoa de la famille des Amaranthacées (comme l’épinard, la betterave ou la salicorne) et du sésame de la famille des Pédaliacées.
Les riz sont des plantes herbacées annuelles peu exigeantes sur la nature du sol et le plus souvent semi-aquatiques. Il en existe aujourd’hui des milliers de variétés adaptées à des climats divers, vivant à des altitudes allant du niveau de la mer jusqu’à plus de 3.000 mètres et dans des milieux allant de plaines inondées, y compris par de l’eau de mer, jusqu’à des coteaux arides. On trouve ainsi des riz de 53° de latitude nord à 40° de latitude sud mais la principale zone de production reste les régions tropicales humides d’Asie d’où ils sont pour la plupart originaires.
La plante émet de nombreuses tiges à partir du sol qui peuvent mesurer de 60 cm de haut à 6 m de longueur. Ces tiges se terminent par une panicule ramifiée de 20 à 30 cm de long, composée de 50 à 300 épillets (fleurs). Le fruit obtenu est un caryopse, appelé grain dans le langage courant, le fruit typique des Poacées, sec et indéhiscent (qui ne s’ouvre pas à la maturité et que la radicule libère après la germination).
Parmi la vingtaine d’espèces du genre Oryza répertoriées dans le monde, la presque totalité du riz cultivé est de l’espèce Oryza sativa L. mais de petites quantités de l’espèce Oryza glaberrima Steud. sont aussi cultivées en Afrique où cette espèce est autochtone.
Par abus de langage, on appelle riz sauvage d’autres plantes de la famille des Poacées, du genre Zizania qui ont des grains longs, fins et noirs ou rouges une fois épluchés : Zizania palustris L., plante endémique de la région des grands lacs d’Amérique du Nord aujourd’hui cultivée, Zizania aquatica L. que les Amérindiens du Nord cueillaient et qui pousse sur les bords du Saint-Laurent et sur les côtes de l’Atlantique et du golfe du Mexique, Zizania texana Hitchc., riz sauvage du Texas, plante vivace qui se trouve seulement le long du San Marcos River et enfin Zizania latifolia (Griseb.) Turcz. ex Stapf, riz sauvage de Mandchourie, plante vivace originaire de Chine.
Origine et histoire du riz
Initialement le riz était une plante sauvage dont les hommes récupéraient les graines une fois développées avant de tomber et de germer… Puis les hommes ont sélectionnés les meilleures espèces dont ils cueillaient les graines pour les cultiver.
Deux espèces sont ainsi sorties du lot : Oryza sativa L. en Asie et Oryza glaberrima Steud. en Afrique occidentale.
C’est la variété dite de riz asiatiques qui a donné naissance à l’essentiel des cultures actuelles de riz comestible. Il descend lui-même de l’espèce Oryza rufipogon qui existe toujours à l’état sauvage dans de nombreuses régions du monde. Les traces les plus anciennes de culture de Oryza sativa L. datent de plus de 5.000 ans avant JC et ont été trouvées dans la vallée du Yang-Tseu-Kiang qui prend naissance dans l’Himalaya pour se jeter dans la mer de Chine orientale, au nord de Shanghaï.
Il y a encore quelques années, on pensaient, d’après les recherches archéologiques, que la domestication de Oryza sativa L. s’était faite indépendamment en Chine, en Inde et en Indonésie en donnant naissance à 3 sous-espèces distinctes : Oryza sativa sinica ou japonica, riz court et ovale apparu vers 5.000 ans avant J.C dans la région de Shangaï, Oryza sativa indica, riz long et plat est présent vers 1.500 à 2.000 avant JC dans le sud-est de l’Inde et Oryza sativa javanica, riz moyennement long apparu vers 1.650 avant JC en Indonésie… Mais on a découvert depuis des traces de culture, datant d’avant 5.000 ans avant JC, non seulement de riz sinica-japonica à Lou-jia-jiao dans la province de Che-kiang en Chine mais aussi de riz indica à Ho-mu-tu dans la même province. De plus, à partir d’analyses génétiques, les botanistes s‘accordent désormais pour considérer que javanica est une simple variante tropicale de sinica-japonica…
Très tôt, sur la vingtaine d’espèces de riz connues, la quasi-totalité des variétés de riz sélectionnées par l’homme pour être cultivées proviennent de ces 2 sous-espèces sinica-japonica et indica d’Oryza sativa L. Ceci est dû certainement à leur adaptabilité et à la diversité des formes, des consistances et des goûts de leurs variétés.
Depuis plus de 7.000 ans, ces variétés sont améliorées par des sélections génétiques et des fécondations transgéniques pour augmenter la productivité des variétés existantes et développer de nouvelles variétés de qualité adaptées à des conditions de culture spécifiques. Ces sélections génétiques et ces fécondations transgéniques n’ont rien à voir avec les manipulations dites « OGM » actuelles, brevetées par de grandes firmes industrielles et qu’elles développent pour résister aux insecticides et pesticides qu’elles commercialisent et qui éradiquent les autres variétés…
Cette espèce également très ancienne, originaire du delta du Niger, est de forme oblongue et le plus souvent de couleur rouge et est restée jusqu’à aujourd’hui concentrée et cultivée en Afrique occidentale.
L’expansion de la culture du riz
Plusieurs routes de diffusion d’Oryza sativa indica (à grains allongés) ont dû exister depuis Shangaï : vers la Thaïlande (sites de Non Nok Tha et Ban Chiang), le Cambodge, le Viêt-Nam, l’Inde du Sud… puis la Birmanie, le Pakistan, le Sri Lanka, les Philippines, l’Indonésie, …
La sous-espèce sinica-japonica (à grains dits ronds) diffuse elle vers la Corée et le Japon.
Vers 800 avant JC, ces riz asiatiques arrivent et sont acclimatés au Proche-Orient et diffusent jusqu’en Grèce mais la diffusion en Europe s’arrête là.…
Les Maures l’introduisent vers 700 après JC au Maghreb puis en Espagne lorsqu’ils investissent ces régions mais le riz ne passe pas les Pyrénées, Charles Martel fondant sur les Arabes à Poitiers en 732 lors de la journée la plus chaude de l’histoire de France… Les croisés européens en ramènent du Proche-Orient aux XIIème et XIIIème siècles. Mais, dans tous ces nouveaux endroits où il arrive, le riz reste une plante de cueillette et non de culture.
En Europe, la culture n’apparaît en Italie qu’à partir de 1468, après le drainage des marécages de la plaine du Pô obtenu par la construction de canaux que Léonard de Vinci dirige. Le riz est ensuite cultivé en Espagne puis en France où Henri IV et Sully ordonnent en 1593 sa culture dans les marécages de Camargue pour arrêter leur désertification (et non pour l’alimentation). Il faut en fait attendre le XVIIIème siècle pour que la culture de riz en Camargue devienne effective, toujours pas pour la consommation des grains, mais pour stabiliser les terres sablonneuses et marécageuses soumises aux marées. Ce n’est qu’après l’aménagement du delta du Rhône, dans les années 1930, que la riziculture française commence à servir à la production de céréales alimentaires… Et encore …grâce à des sbires Indochinois, soutiens des armées françaises, qui se retrouvent en France après la 1ère guerre mondiale et que l’on relègue en Camargue car on ne peut pas les renvoyer dans leurs pays : là, pour se nourrir, ils cultivent le riz camarguais. Cette culture du riz camarguais prend un essor économique après la guerre de 1939-1945 mais périclite ensuite jusque dans les années 1980 du fait de sa pénibilité ; on s’aperçoit alors que l’arrêt de la culture du riz a des effets écologiques catastrophiques en Camargue, ce qui conduit à se préoccuper du maintien des rizières camarguaises…
Le riz arrive en Amérique-du-Sud, apporté par les conquistadors espagnols et portugais au XVIème et XVIIème siècle et, en 1694, des esclaves originaires de Madagascar en introduisent en Caroline du Sud où ils le plantent pour se nourrir. Les colons anglais finissent par l’amener en Australie au XIXème siècle.
Cette espèce n’a pas eu le grand succès international de Oryza sativa L. : originaire du delta du Niger (traces de rizicultures remontant à plus de 1.500 avant JC), elle diffuse jusqu’au Sénégal de 1.500 à 800 avant JC mais, peu améliorée, elle ne connait pas de développement au-delà. Sa culture a même décliné en faveur des variétés asiatiques introduites en Afrique par les caravanes arabes à partir du VIIème siècle puis par les Européens qui explorent puis colonisent l’Afrique Occidentale à partir du XVIème siècle.
Culture du riz et systèmes sociaux
Dans l’histoire de l’homme, le riz est bien plus qu’une denrée alimentaire…
Les fouilles menées en Thaïlande sur le site de Khok Phanom Di, habité de 2.000 à 1.400 avant JC, ont révélé que la culture du riz, qui constituait la base de la nourriture, permit de dégager des surplus, à l’origine du développement du commerce et de l’artisanat thaï.
À l’âge chinois du fer, des aristocraties terriennes se mettent en place en Asie Centrale et Orientale. La culture intensive du riz s’y accompagne peu à peu de techniques et d’ouvrages d’irrigation nécessitant une organisation sociale complexe. La concentration de population engendrée par cette riziculture perfectionnée (irrigation, charrue, repiquage) va servir de base, vers le début de notre ère, à des pouvoirs centralisés, dont la civilisation d’Angkor dont les souverains accordaient une grande importance à la riziculture.
Le riz devient ensuite naturellement une monnaie d’échange – dans le Japon féodal notamment – et, longtemps, il est utilisé en Asie pour le paiement de l’impôt. Devenu symbole de fécondité, de prospérité, de richesse et de prestige, ceci explique que, depuis des milliers d’années, on lance des grains de riz sur les nouveaux mariés, même dans des pays qui n’ont pas une autosuffisance alimentaire.
Dans toute l’Asie, le riz était aussi un élément rituel conditionné dans de précieux récipients pour les cérémonies funéraires et il a conservé encore souvent cette valeur religieuse en Asie du Sud-Est.
Sources :
o Le riz dans la nutrition humaine, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Rome, 1994, préparé en collaboration avec la FAO par Bienvenido O. Juliano de l’Institut international de recherches sur le riz, publié avec la collaboration de l’Institut international de recherches sur le riz.
o Informations sur le riz, CNUSED, Informations de marché dans le secteur des produits de base.
o Le riz, critères d’achat et de sélection, Terroirs d’en France.