Valentin († 14 février 268 ou 269), prêtre, meurt en martyr à Rome, sous le règne de l’empereur romain Claude II (° 214-† 270), dit le Goth *. Comme c’est souvent le cas pour les saints des débuts du christianisme devenus « cultes », la plus grande confusion règne dans le récit de sa vie… Dans son cas, l’affaire se complique en plus pour plusieurs raisons…
Et saint Valentin de Terni, c’est du poulet ?
En premier lieu, un autre Valentin, ermite devenu évêque de Terni, meurt en martyr dans cette ville, lui aussi un 14 février mais quelques années après, en 273, sous le règne de l’empereur Aurélien (° 214 ou 215-† 275).
Comme ils sont tous 2 fêtés le 14 février, Valentin, modeste prêtre romain, devient au bout de quelques siècles ancien moine devenu prêtre évêque de Terni, ce qui fait quand même mieux sur son CV catholique !
Les « Petits Bollandistes » font également état de 4 autres saints Valentin fêtés le 14 février :
- un évêque mort en martyr à Toro en Espagne pendant le règne de Trajan,
- un dont le corps fut donné à des trinitaires espagnols avec 35 autres corps saints,
- un martyr romain dont le crâne se trouve à Hamay en Belgique et le reste du corps à Armentières en Flandre, invoqué avec succès, contre les hernies,
- un martyr mort avec 24 autres soldats romains, en Afrique.
Le pompon de la Palme !
Pour couronner le tout, comme nous le verrons plus loin, 2 papes mettent le prêtre Valentin en haut de l’affiche pour tordre le cou à une pratique païenne en le faisant porte-étendard de l’amour divin puis patron des amoureux… Enfin, 1.000 ans après sa mort, Jacques de Vorragine (° vers 1228-† 1298) s’intéresse à son cas et twitte à sa manière dans sa Légende Dorée tout ce qu’il glane sur lui dans les écrits médiévaux. Ses écrits sont alors pris comme argent comptant, pompé et déformé, aujourd’hui de manière exponentielle « grâce à internet ». Moi, dans ces cas de confusion d’informations et de déformation de la vie des saints, je me replie sur les Petits Bollandistes qui, depuis 1607, consolident de manière documentée et critique les vies des saints… En l’occurrence, j’ai récupéré les informations consolidées sur les Valentin fêtés le 14 février dans le Tome II des vies des saints (7ème édition, 1876).
Saint Valentin de Rome dans la vraie vie
La vertu du prêtre Valentin est éclatante et sa réputation est grande à Rome. Certains disent (mais pas les Petits Bollandistes), que c’est un médecin renommé qui, devenu prêtre, marie en secret les légionnaires romains, chose interdite par Claude II qui juge incompatible le mariage et le métier des armes car il a besoin d’hommes déterminés pour repousser les attaques des Alamans et des Wisigoths qui cherchent par tous les moyens à pénétrer en Italie !
Toujours est-il que la réputation de Valentin vient à la connaissance de Claude II qui le fait arrêter.
Après l’avoir tenu 2 jours en prison, il le fait amener enchaîné devant lui pour l’interroger. Il lui dit : « Pourquoi, Valentin, ne veux-tu pas jouir de notre amitié et pourquoi être ami de nos ennemis ? ». Valentin répond « Seigneur, si vous saviez le don de Dieu, vous seriez heureux et votre empire aussi. Vous rejetteriez le culte que vous rendez aux esprits immondes et à leurs idoles que vous adorez et vous sauriez qu’il n’y a qu’un Dieu qui a créé le ciel et la terre et que Jésus Christ est son fils. ». Un juge demande à Valentin ce qu’il pense de Jupiter et Mercure. Valentin répond : « Qu’ils ont été des misérables et qu’ils ont passé toute leur vie dans les voluptés et les plaisirs du corps. ». Ce juge vocifère et dit qu’il blasphème contre les dieux et les gouverneurs de la république ! Mais, pendant ce temps, Valentin s’entretient avec Claude pour l’instruire de la foi en Jésus Christ et l’exhorte à faire pénitence pour le sang des chrétiens qu’il a répandu, lui disant de croire en Jésus et de se faire baptiser parce que ce sera pour lui le moyen de se sauver, d’accroitre son empire et d’obtenir de grandes victoires contre ses ennemis. Claude commence à se laisser persuader et dit à ceux qui l’entourent « Écoutez la sainte doctrine que cet homme nous apprend. ». Mais, Caipumius, préfet de Rome, s’écrie « Voyez comment il séduit notre prince ! Quitterons-nous la religion que nos pères nous ont enseignée ? ».
Claude craint que ces paroles ne créent des troubles dans Rome et se méfie de Caipumius qui n’a probablement qu’une envie, devenir empereur à la place de l’empereur ! Il lui dit de s’occuper du cas de Valentin… Caipumius charge aussitôt le juge Astérius de juger et châtier Valentin pour sacrilège. Astérius, qui a vu que Valentin a l’estime de Claude et voit la patate chaude passer de main en main, emmène Valentin chez lui en attendant de juger son cas après mûre réflexion.
Lorsque Valentin entre chez Astérius, il prie Dieu d’éclairer ceux qui marchent dans les ténèbres en leur faisant connaître Jésus Christ, la vraie lumière du monde. Astérius l’entend et lui dit : « J’admire ta sagesse mais comment peux-tu dire que Jésus est la vraie lumière ? ». Valentin répond : « La vraie lumière mais aussi l’unique lumière qui éclaire tout homme de ce monde. ». Astérius : « Si cela est, j’en ferai bientôt l’épreuve car j’ai ici une petite fille adoptive, aveugle depuis 2 ans. Si tu peux la guérir et lui rendre la vue, je croirai que Jésus Christ est la lumière et qu’il est Dieu et je ferai tout ce que tu voudras. ». La jeune fille, que la légende appelle Julia, est amenée à Valentin qui lui met la main sur les yeux en disant : « Seigneur Jésus-Christ qui êtes la vraie lumière, éclairez votre servante ».. À ces paroles, la jeune fille recouvre la vue et Astérius et sa femme se jettent aux pieds de leur bienfaiteur pour le supplier de leur dire ce qu’ils doivent faire pour se sauver. Valentin leur dit de briser toutes les idoles qu’ils ont, de jeûner 3 jours, de pardonner à tous ceux qui les ont offensés et de se faire baptiser. Astérius fait tout cela, délivre les chrétiens qu’il tient prisonniers et est baptisé avec toute sa famille composée de 46 personnes.
Claude, apprenant cela, se dit que Caipumius et les inconditionnels des dieux romains vont en tirer profit et fait exécuter, après différents supplices, Astérius et tous ceux de sa maison qui se sont convertis. Valentin, mis en cachot est brisé avec des bâtons noueux ; comme il ne renie pas sa foi, il est décapité quelques jours plus tard sur la voie Flaminia. L’étude des Petits Bollandistes, s’arrête là… Les légendes disent que sa dépouille est récupérée par des chrétiens qui l’enterrent sur cette voie près du Ponte Mole. En reconnaissance, Julia, survivante du carnage, y plante un amandier, un des premiers arbres à fleurir sous le climat de Rome, symbole de l’amour. En 350, le pape Jules Ier (°vers 280-† 352) fait ériger une basilique dédicacée à saint Valentin pour protéger et honorer sa tombe. Cette basilique est modifiée par Honorius Ier († 638) puis agrandie par Théodore Ier († 649). Puis les reliques de Valentin sont transférées dans la basilique Saint-Praxède de Rome, probablement vers 822 à l’initiative du pape et futur saint Pascal Ier et une partie de ces reliques, disparues aujourd’hui, sont confiées à l’église Saint-Pierre de Melun. Diverses restaurations de la vieille église Saint-Martin sont faites jusqu’au XIIIème siècle puis elle tombe dans l’abandon et disparaît.
Mais, alors, pourquoi saint Valentin de Rome est-il le saint patron des amoureux ?
Dans, ces conditions, comment saint Valentin est-il devenu le saint patron des amoureux, me direz-vous ? C’est arrivé longtemps après sa mort, après que le pape Alexandre IV (°vers 1199-† 1261) l’ait déclaré comme tel… Mais pourquoi le pape Alexandre IV l’a-t-il déclaré comme tel, me direz-vous ? Je vous trouve bien curieux… Mais, comme je sens que vous n’allez pas me lâchez les baskets, je vous balance tout, façon Closer…
Saint Valentin vs Faustus Lupercus…
Chacun sait que dans l’hémisphère boréal, vers la mi-février, les oiseaux qui n’ont pas migré, tout émerveillés par le Soleil qui les aide à se réveiller en arrivant de plus en plus tôt, commencent à chanter tôt le matin pour séduire leur belle.
Si vous n’avez pas remarqué, c’est soit que vous êtes sourds, soit que vous dormez toutes fenêtres fermées et que vous avez des bons doubles voire triples vitrages !
Ce n’était pas le cas des Romains qui, se réveillant au chant des oiseaux, avait dédié leur 15 février à leur dieu Faunus dit Lupercus dans une grande fête dédiée à l’amour et à la fécondité ! Dès le matin du 15 février, 12 luperques, jeunes prêtres de de ce Dieu, sacrifiaient un bouc dans la grotte du Lupercal (au pied du Mont Palatin) où, selon la légende, la louve avait allaité Romulus et Rémus. Puis ces luperques se fabriquaient des petits pagnes et des fouets avec la peau du bouc lacérée, puis couraient quasiment nus dans Rome, fouettant les femmes qu’ils rencontraient pour les rendre fécondes… Tout s’achevait par un grand banquet ou chaque Romain participant tirait au sort une jeune fille qui lui tiendrait galante compagnie …et que parfois, il épousait…
En 495, pour mettre fin à ce rite pas très catholique dit des Lupercales, le pape Gélase Ier († 496) l’interdit et donne un coup de booster à la saint Valentin, célébrée la veille, en le déclarant messager de l’amour de Dieu, histoire de prendre les devants et de calmer les esprits le lendemain…
Mais la tentative échoue car, au fil des siècles, la Saint-Valentin porteuse du message de l’amour de Dieu le 14 février se retransforme en nouba SM et sexiste façon Faunus… Aussi, 10 siècles après la mort de Valentin, Alexandre IV décide qu’il est le saint patron des amoureux, pour éviter la confusion des genres : à la trappe le satyre Faunus Lupercus, pense-t-il ! Mais, après plus de 700 ans, j’ai comme l’impression que notre société mercantile a repris l’habitude d’inviter Faunus à la Saint-Valentin…
Saint Valentin de Rome, saint patron des voyageurs, est-il du bois dont on fait les pipes ?
Un autre malentendu va rendre saint Valentin très populaire en Europe du Nord : les pèlerins de ces régions arrivent à Rome par la voie Flaminia. Ils font une halte dans l’église Saint-Valentin qui est la 1ère qu’ils rencontrent avant d’entrer dans Rome et la ressemblance sonore du nom latin de saint Valentin, Valens (vaillant, brave) et du germanique fallen (tomber) leur fait croire que Valentin est un thaumaturge qui guérit les blessures de ceux qui se sont cassés la g….. en chemin ! C’est pourquoi saint Valentin est non seulement le patron des amoureux et des couples mais aussi des voyageurs !
Par contre, contrairement à ce qu’on dit, entend ou lit de plus en plus fréquemment, saint Claude la Colombière, fêté le lendemain, n’est pas le protecteur des turluttes (manquerait plus que ça…) car, l’amateur de pipes, ce n’est pas lui mais saint Claude du Jura fêté le 6 juin (sacrés francs-comtois…). Les amateurs et amatrices de pipes qui auraient loupé la Saint-Valentin doivent donc patienter quelques mois et pas l’espace d’une journée…
Saint Valentin est aussi le saint patron de Tarascon, en Provence, et il est invoqué pour lutter contre les évanouissements et l’épilepsie et, évidemment pour favoriser les mariages heureux.
Chaud devant ?
Patron des amoureux, il est associé symboliquement à un dicton du jour : « S’il ne fait froid le jour d’Adam et Ève, vingt jours trop tôt montera la sève. »…
Chaud devant ! Et comme l’a chanté Georges Brassens dans « La légende de la nonne » :
« Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers. ».
Le Soleil et le gaufrier…
Dans les anciens calendriers chaque jour était marqué par un signe qui parlait immédiatement aux yeux des initiés. C’est ainsi que la Saint-Valentin était marquée par un soleil ou un gaufrier tenu par le saint : le Soleil parce qu’il était censé reprendre sa force à cette époque qui est à peu près celle des Quatre-Temps du printemps et que les fleurs les plus précoces (amandiers, noisetiers, etc.) commencent à se montrer dans une partie de l’Europe ou un gaufrier pour annoncer les réjouissances de Carnaval !
Bonne fête les Valentins !
Saint Valentin, prêtre à Rome, est donc fêté le 14 février, jour anniversaire de son voyage au ciel, de même que son collègue Valentin, évêque de Terni et saint patron de Jumièges, en Seine-Maritime, mort lui aussi en martyr 4 ou 5 ans plus tard…
Saint Valentin des amoureux est représenté soit tenant une épée et une palme, symboles de son martyre, soit rendant la vue à la fille d’Astérius alors que saint Valentin de Terni est lui en tenue épiscopale avec sa crosse dans la main droite et bien sûr, lui aussi, la palme du martyre maintenu dans son bras gauche.
Avec l’un, l’autre ou les 2, on fête les Valentin (du latin valens, brave, vaillant) et aussi toutes les formes masculines de ce prénom : Bailintin, Balendin, Balentin, Bálint, Feltes, Folant, Lantin, Maqdoud, Mouqdad, Vailintin, Vaillant, Val, Valantin, Valen, Valens, Valent, Valente, Valenti, Valentian, Valentijn, Valentik, Valentim, Valentine (de sexe masculin…), Valentinian, Valentinianu, Valentinien, Valentino, Valentinu, Valentinus, Valention, Valentyn, Valentýn, Vali, Valik, Valintin, Vallentin, Valtin, Valtl, Valya, Velten et Walentin.
Les Tin et Tino peuvent aussi être fêtés ce jour-là si ce sont des diminutifs de Valentin et de Valentino …mais ils peuvent être aussi des diminutifs de bien d’autres prénoms se terminant par tin ou tino, fêtés alors à d’autres dates !
Les Louis-Valentin et Pierre-Valentin sont eux plutôt fêtés avec les Pierre et les Louis.
Et les Valentine (de sexe féminin…) et ses variantes féminines le sont, elles, avec sainte Valentine, le 25 juillet.
* Claude II doit son surnom de Goth, non parce qu’il l’était …mais parce qu’il réussit à stopper l’avancée des Wisigoths vers l’Italie, en 269 à Naïssus en Mésie supérieure (aujourd’hui Nish en Serbie), victoire durement acquise mais dont il sût tirer tous les profits par une habile campagne de communication !