Vous vous souvenez probablement qui est Jérôme Kerviel… Au cas où, rappel des faits :
Jérôme Kerviel naît le 11 janvier 1977 à Pont-l’Abbé dans le Finistère, de parents artisans. Il suit un DEUG en sciences économiques au Pôle Pierre-Jakez Hélias de Quimper puis passe une maîtrise à l’IUP banque et finances de l’université de Nantes avant d’acquérir, en alternance, en 2000 et avec la mention assez bien, un master management des opérations de marché à l’université Lyon 2 : il a été pour cela étudiant 4 mois à l’université et apprenti 8 mois en entreprise (dont six au sein de BNP Arbitrage). Cette formation est destinée à former des contrôleurs des opérations de trading plutôt que que des traders.
La Société générale le recrute en août 2000 au sein de sa division banque d’investissement et de financement à La Défense à Puteaux. Il travaille d’abord au « middle office » puis passe en 2005 au « front office » où il est chargé d’arbitrer des contrats à terme portant sur des indices boursiers.
Selon Daniel Bouton, président directeur de la Société générale depuis 1997, les services de contrôle de la banque découvrent le vendredi 18 janvier 2008 qu’un trader aurait commis des irrégularités sur des achats de contrats à terme et, le samedi 19 janvier, ces services de contrôles déterminent l’exposition totale de la banque ainsi que le trader incriminé qui aurait reconnu sa faute…
Il faut savoir que ce jour là, cette société qui finit de consolider ses comptes à fin 2007 pour les publier au public le lundi suivant apprend (constate ?) que la dépréciations du marché des sub-primes a entraîné une perte nette pour la banque de 2,1 milliards d’euros en 2007… Le bilan à fin 2007 de la banque s’établit néanmoins à environ 7 milliards d’euros mais le quart de ce bénéfice est dû à un de ces traders qui travaille sur les contrats à terme sur des indices boursiers.
Le dimanche 20 janvier Daniel Bouton informe ses autorités de tutelle, le gouverneur de la Banque de France et le secrétaire général de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et informe le Comité des Comptes de la Société Générale qu’il a décidé de liquider les positions prise s par ce trader jugées dangereuses au plus vite et de reporter de quelques jours l’annonce des résultats annuels prévues le lendemain. Daniel Bouton déclarera qu’il a pris cette décision car « Si une guerre avait éclaté le lundi ou si les marchés avaient chuté de 30 %, la Société Générale risquait le pire avec une telle exposition ». Il faut dire que les 50 milliards d’euros d’achats de contrats à terme à fort effet de levier engagés en 2007 par le trader (30 milliards d’euros sur l’indice Eurostoxx, 18 milliards d’euros sur l’indice DAX et 2 milliards d’euros sur l’indice FTSE) représentent 1,7 fois le montant des fonds propres de la banque qui s’élèvent alors à 30,7 milliards d’euros… Après avoir subi une perte de près de 2,2 milliards d’euros en juin 2007 sur ces contrats à terme, le trader incriminé prend ensuite des positions plus heureuses pour terminer au 31 décembre 2007 avec un crédit de 1,4 milliard d’euros soit 20% des bénéfices de la Société Générale alors estimés pour fin 2007 ! Le trader est informé qu’il est mis à pied à titre conservatoire, le dimanche 20 janvier, en attendant une décision sur son licenciement.
Du lundi 21 au mercredi 23, un trader unique, désigné par la direction de la Banque, liquide environ 60 milliards d’euros de prises de positions… Mais la chute des places financières pendant ces 3 jours font enregistrer une moins-value nette de 6,2 milliards d’euros (pour un bénéfice annuel 2007 estimé préalablement à 7 milliards d’euros). Après soustraction des gains acquis fin 2007 sur ces positions par le trader qui les avaient engagées, la perte nette est estimée à environ 4,9 milliards d’euros par la Société générale. En fait, à fin 2007, le trader mis à pied avait rapporté plus de 2 milliards d’euros à la société…
Le matin du 24 janvier 2008, la direction de la Société générale publie les résultats de son exercice 2007 et organise une conférence de presse où elle dévoile l’affaire dont elle se dit victime. Le nom du trader incriminé n’est pas révélé… Mais, dans l’après-midi, la Société générale dépose plainte contre le courtier Jérôme Kerviel pour « faux en écriture de banque, usage de faux et atteinte au système de traitement automatisé des données » auprès du Tribunal de Nanterre. Le Parquet de Paris est saisi le même jour par un actionnaire individuel pour une plainte contre la Société générale pour escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux, complicité et recel et ouvre une information préliminaire confiée à la Brigade Financière. L’Appac, Association des petits porteurs d’actifs indique également avoir déposé une plainte ce même jour auprès du Parquet parisien pour « diffusion de fausses informations ou trompeuses ayant agi sur le cours de Bourse des titres ». À la demande du Parquet de Paris, le Tribunal de Nanterre se dessaisit de la plainte pour qu’il n’y ait qu’une seule instruction. Cette même après-midi, un porte-parole de la direction des ressources humaines de la Société générale décrit Jérôme Kerviel comme « un être fragile, sans génie particulier, traversant des difficultés familiales ». Le même jour, Daniel Bouton lui attribue dans les médias la responsabilité de la fraude « sans parvenir à le qualifier » : « cet escroc, ce fraudeur, ce terroriste, je ne sais pas » et Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, lance une enquête sur cette affaire et affirme lors d’une interview que le jeune trader a pris la fuite mais qu’il ne risque pas d’être réembauché par une banque en ajoutant qu’il s’agit d’un « génie de la fraude »…
Le lendemain, Me Élisabeth Meyer, l’avocate choisie par Jérôme Kerviel, lance une contre-attaque médiatique : ni lui, ni elle ne contestent les faits reprochés et indiquent qu’il n’est pas en fuite mais a gardé le silence car il se considérait toujours comme employé de la Société générale et tenu au secret professionnel en attendant une éventuelle convocation pour un entretien préalable à un licenciement mais qu’il se tient à la disposition de la justice pour être entendu.
Convoqué le 26 janvier à fins d’interrogatoire dans les locaux de la Brigade Financière, Jérôme Kerviel vient spontanément. Une perquisition est menée au domicile de son frère à Paris avec qui il habite et son ordinateur personnel est saisi. À l’issue d’une garde à vue de 48 heures, il est présenté le 28 janvier devant le pôle financier du Tribunal de Paris avec une demande du Parquet de Paris de mise en examen pour « tentative d’escroquerie, faux et usage de faux, abus de confiance aggravé et atteinte à un système de données informatiques » avec mise en détention provisoire jusqu’au procès pour « protéger le suspect des risques de pression ». Les juges d’instruction décident le même jour de poursuivre Jérôme Kerviel pour « abus de confiance, faux et usage de faux en écriture privées et introduction dans un système informatisé de traitement automatisé de données informatiques » avec remise en liberté sous contrôle judiciaire. Le Procureur de la République fait appel de cette remise en liberté surveillée et exige une mise en détention immédiate de Jérôme Kerviel jusqu’au procès. Le lendemain, Rachida Dati, ministre de la justice, déclare que cette détermination à l’emprisonner sans attendre le jugement « est nécessaire aussi pour des raisons d’ordre public et pour pouvoir maintenir sous la main de la justice Jérôme Kerviel … pour une infraction d’une telle ampleur (5 milliards d’euros) qui a choqué les Français. ».
Selon l’enquête préliminaire, Jérôme Kerviel n’a soustrait aucune somme d’argent mais a engagé des fonds de la banque au-delà du seuil auquel il aurait été autorisé en abusant certaines procédures de contrôle avec de fausses informations mais sans sortir du cadre de ses fonctions. Les profits ou les pertes générés par ces dépassements, qui ont commencé à intervenir dès 2005 et 2006, étaient faits pour le compte de la banque qui les encaissait. Cette dernière en a plusieurs fois tenu compte pour le calcul de rémunérations exceptionnelles de Jérôme Kerviel et celui-ci explique que c’est pour augmenter cette part de rémunération professionnelle qu’il a pris de plus en plus de risques. Le jeune trader affirme qu’il n’a jamais eu d’ordre écrit limitant le montant de ses autorisations d’engagements, qu’il est conscient d’avoir engagé des sommes extrêmement importantes pour la société mais qu’au moins 5 autres traders de la Société générale ont également engagés plusieurs milliards d’euros avec l’accord tacite de leur hiérarchie. Sans nier la singularité de ces pratiques consistant à engager des sommes que l’on a pas pour en tirer des bénéfices, Jérôme Kerviel fait état de la tolérance de sa hiérarchie, du fait que ces opérations étaient faites pour le compte de la société et non pour un quelconque profit personnel et que les opérations étaient validées par la chambre de compensation de la Société Générale.
La banque indique elle publiquement que le pouvoir d’engagement de Jérôme Kerviel était limité à 125 millions d’euro mais l’enquête des services de la Banque de France confirme que Jérôme Kerviel a néanmoins pu prendre des engagements pour 30 milliards d’euros courant 2007 et qu’en juin il avait une perte de 2,2 milliards d’euros mais un gain de 1,4 milliards d’euros fin 2007. Les représentants de la banque parlent d’un concours de circonstances tout à fait exceptionnel qui aurait pu toucher un autre acteur du marché (!).
Le Parquet confirme et justifie sa demande d’incarcération par la nécessité d’empêcher Jérôme Kerviel de communiquer avec d’éventuels complices, bien que la banque continue à clamer bien haut que Jérôme Kerviel a agi seul. La veille de l’audience de mise en incarcération, le courtier d’une ancienne filiale de la Société Générale est mis en garde à vue : des messages texto échangés entre lui et Jérôme Kerviel avant sa mise à pied ont été communiqués au Parquet par la Société générale. Leur publication par plusieurs journaux, le matin de l’audience, conduit la cour d’appel à penser que les soupçons du Parquet sont fondés et décide d’incarcérer Jérôme Kerviel. Le lendemain, le prétendu complice est libéré de sa garde à vue. Aucune accusation n’est retenue contre lui : il passait effectivement des opérations pour Jérôme Kerviel mais tout était fait régulièrement avec les autorisations de la Société générale…
L’ampleur des pertes imputées par la Société Générale surprend… Plusieurs experts des marchés financiers s’étonnent qu’une telle exposition aux risques ait pu durer si longtemps sans être détectée et expriment leurs doutes quant à la capacité d’un homme seul à effectuer des opérations frauduleuses de cette ampleur. La plupart acceptent d’être cités nommément. Un « accident » d’exploitation aussi colossal ne manque pas de lancer des spéculations sur les insuffisances des mécanismes de contrôle et de sécurité de la Société générale. M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, auditionné par la commission des Finances du Sénat sur la fraude présumée reprochée au courtier Jérôme Kerviel, déclare : « Les premiers constats de l’inspection que j’ai diligenté me paraissent montrer que tous les contrôles permanents au sein de la Société générale ne semblent pas avoir fonctionné comme ils auraient dû. Ceux qui ont fonctionné n’ont sans doute pas toujours fait l’objet d’un suivi approprié ». Il explique aux sénateurs qu’il ne peut pas tirer de conclusions définitives tant qu’il n’a pas reçu le rapport complet de ses inspecteurs mais ajoute : « Il est clair que nous devons nous concentrer sur les raisons pour lesquelles les anomalies, les dysfonctionnements n’ont pas été repérés, analysés, remontés à un niveau suffisant, traités, suivis pendant toute cette période.».
Une enquête de l’AMF conclut que le secret sur le risque associé à ces engagements hors de raison a été bien gardé jusqu’au 24 janvier. Des rumeurs de dépréciation d’actifs et même de faillite de la Société générale, relayées par la presse spécialisée, circulaient bien sur le marché boursier dès le 18 janvier et même avant mais ces rumeurs étaient liées non à ces engagements extravagants mais aux dépréciations du marché des sub-primes qui avaiten entraînés de leur côté une perte nette pour la banque de 2,1 milliards d’euros en 2007…
Le 30 janvier 2008, la Société générale se porte partie civile. Interrogée par le juge d’instruction sur les motivations de cette requête, la société se contente de fournir des explications sur son organigramme précisant quel était le positionnement de Jérôme Kerviel. Ce même jour, le journal Le Monde consacre une page entière à cette affaire et publie une partie du procès-verbal de l’audition faite par le Parquet de Paris durant l’information préliminaire. Pour l’avocate du jeune trader, il n’est plus question de fraude et d’escroquerie comme affirmé par M. Bouton et la question est de savoir dans quelle mesure le caractère pénal des fautes reprochées à Jérôme Kerviel s’applique à des procédures internes à une entreprise dans le cadre de relations entre employés et employeur et dans quelle mesure ces pratiques étaient courantes et ont été tolérées, ratifiées voire encouragées plusieurs fois par des supérieurs hiérarchiques. Auquel cas, il ne s’agirait pas de fautes pénales mais de fautes professionnelles punissables, selon l’appréciation de leur gravité, par un licenciement éventuel. Jérôme Kerviel se défend en mettant en relief que, selon lui, sa hiérarchie et notamment ses 2 supérieurs hiérarchiques immédiats approuvaient tacitement son comportement : « Je ne peux croire que ma hiérarchie n’avait pas conscience des montants que j’engageais : il est impossible de générer de tels pertes ou de tels profits avec des petites positions. Ce qui m’amène à dire que lorsque je suis en positif ma hiérarchie ferme les yeux sur les modalités et les volumes engagés. Au titre d’une activité normale, un trader ne peut générer autant de cash. ». Il précise qu’il a dit aux enquêteurs de la Brigade Financière qu’à plusieurs occasions des alertes auraient pu et dû amener sa hiérarchie à mettre le holà à ces activités spéculatives : « Dès début avril 2007, P.B. et M.R. sont avisés de ces prises de positions jugées exorbitantes par mail du service comptable. La seule chose qui me soit dite est de me débrouiller pour régulariser puis ils n’interviennent plus. Les autres alertes qui leur parviennent par la suite ne les font pas réagir pour autant, c’est donc que cela les arrangeait. Au début comme à la fin de mes prises de contrats, ils n’ont pas voulu intervenir. Nous faisons eux et moi le même métier. Ils en connaissent les rouages.».
Puis Jérôme Kerviel se tient à l’écart de la presse et déclare à son avocate « qu’il est complètement écrasé par la médiatisation de cette affaire.». Le 8 février 2008, il est placé en détention provisoire à la prison de la Santé à Paris, sans codétenu. Plusieurs demandes de mise en liberté échouent jusqu’au 18 mars 2008 où la cour d’appel de Paris ordonne sa remise en liberté sous contrôle judiciaire extrêmement strict.
Le 22 février, le journal Capital informe que les 5 traders dont Jérôme Kerviel a indiqué qu’ils étaient aussi en dépassement de plusieurs milliards ont été identifiés et seront prochainement entendus par la Brigade financière. Il est prouvé que le jeune trader n’a pas détourné un seul centime à son profit lors de ces opérations de trading… On en entendra plus parler par la suite…
Le 4 juillet 2008, la Commission Bancaire inflige un blâme et une amende de 4 millions d’euros à la Société générale pour ses « carences graves du système de contrôle interne » qui ont permis la fraude imputée par la banque à son trader Jérôme Kerviel.
En dépit de tous ces doutes et éléments troublants, Jérôme Kerviel reste la seule personne inculpée dans cette affaire.
Le 26 janvier 2009, les juges terminent leur instruction et Jérôme Kerviel est envoyé en correctionnelle fin août 2009. En mai 2010, il publie : « L’engrenage : mémoires d’un trader », aux éditions Flammarion, où il livre sa version des faits. Son procès commence le 8 juin suivant. Poursuivi pour « faux, usage de faux, abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système informatique », il encourt jusqu’à 5 ans de prison et 375.000 euros d’amende. Le 24 juin, le procureur requiert une peine de 5 ans d’emprisonnement dont 1 avec sursis et, le 5 octobre 2010, la 11ème chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris le reconnait coupable de tous les chefs d’accusation et le condamne à 5 ans de prison dont 2 avec sursis et à payer la somme de 4.915.610.154 euros de dommages et intérêts à la Société générale. Cette somme correspond à la totalité du préjudice estimée par la Société Générale, partie civile. Cette dernière est par ailleurs totalement dédouanée de toute responsabilité… Jérôme Kerviel fait immédiatement appel de cette décision.
Ce jugement provoque un tollé en France ! Hallucinant : c’est la réaction de la plupart des commentateurs journalistes, politiques ou simples citoyens qui réagissent au jugement en première instance de cette affaire Kerviel. Plus que les 5 années de prison infligées à l’ex-trader (dont 2 avec sursis), ce sont les 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts à verser à la Société générale qui choquent. Si l’intéressé exerce des activités légales, il lui faudra des centaines de milliers d’années pour rembourser une telle somme dont il n’est pas le seul responsable à l’origine ! L’incite-t-on à reprendre des activités border-line de trading ou à faire un casse à la Banque de France ? La Société générale réalise vite que cet aspect du jugement risque de décrédibiliser le reste des attendus du tribunal alors que c’est elle qui a demandé au juge de se faire rembourser ce préjudice de 4,9 milliards d’euros qu’elle a estimée elle-même sans contre-expertise contradictoire. Sa directrice de la communication fait savoir dès le lendemain que la société ne réclamera évidemment jamais une telle somme. Ah, bon ? Pourtant c’est bien ce qu’a demandé la Société générale qui s’est porté partie civile et ce qui a été jugé par le tribunal qui s’affirme cool sur son jugement en disant que, dans ce genre d’affaire, toute la jurisprudence conclut à ce que la victime soit intégralement remboursées de la totalité des préjudices subis par le ou les personnes reconnues coupables…
Au lendemain de l’annonce du verdict , l’ardoise astronomique de 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts fait tousser dans tous les milieux y compris politiques… Dès le 6 octobre, Gérard Longuet, patron des sénateurs UMP, Luc Chatel, porte-parole du gouvernement, Bernard Accoyer, président de l’Assemblée Nationale, François Bayrou, président du Modem, Jean-Christophe Cambadélis, député PS, s’étonnent de la sévérité de la condamnation de Jérôme Kerviel.
Luc Chatel plaide pour un terrain d’entente entre la Société générale et son ancien trader. Interrogé sur la possibilité pour la banque de «faire un geste», il répond: «C’est une décision qui appartient à la Société générale» mais « il faut que le nouveau directeur de la communication, peut-être, le suggère à son président ». «Maintenant il y a un appel, ça veut dire qu’il va y avoir un nouveau procès » et que « les parties vont pouvoir à nouveau s’exprimer, faire valoir leur droit ». Bernard Accoyer, dépassé, soupire sur Canal+: « La finance est entrée dans un cercle complètement fou, cette affaire est complètement folle et les chiffres depuis le début et jusqu’à aujourd’hui continuent de l’être. Je ne commente jamais les décisions de justice mais j’ai noté qu’il allait y avoir un appel donc on verra ce que donnera la seconde instance», entonne-t-il à son tour. Avant même le procès, Jean-Christophe Cambadélis, s’attend, sur son blog, à un retour de bâton, en termes d’image, pour la Société générale: « Les Français vont trouver dans ce jugement la confirmation que les puissances de l’argent sont toutes puissantes. Pas sûr que ce coup de pied de l’âne de la justice soit profitable à une banque qui jubile trop fort dans une France qui se méfie des puissants.» et il prédit que la banque devra « dépenser beaucoup d’argent » en communication pour « rétablir son crédit ». « Je dois reconnaître que les 4,9 milliards sont un peu ridicules » convient aussi le chef de file des sénateurs UMP, Gérard Longuet, s’étonnant qu’« un homme seul porte la seule et l’exclusive responsabilité » des pertes. François Bayrou, qualifie le jugement du tribunal correctionnel de Paris d’« infiniment troublant » et la somme de 4,9 milliards à rembourser d’« extravagante», « un montant évidemment hors de portée de qui que ce soit par son travail ou ses efforts. Est-ce que la France en est arrivée à la tradition juridique américaine qui condamne à 150 ou 250 ans de prison ?», regrettant que «le jugement prononcé semble faire porter au seul prévenu la totalité de la responsabilité.». Marine Le Pen, en profite pour faire une parallèle entre la condamnation de Jérôme Kerviel et le « non lieu requis » en faveur de Jacques Chirac dans l’affaire des emplois présumés fictifs à la Ville de Paris : « Il y a un certain nombre de gens qui sont préservés parce qu’ils font partie de l’hyper-classe, de l’élite, et qu’il est hors de question de les mettre en cause, alors que d’autres servent de boucs-émissaires », estime la vice-présidente du FN.
Le 14 octobre, Nicolas Cori, journaliste à Libération publie un article très documenté et détaillé où, pour lui, le jugement de Jérôme Kerviel n’a ni dit ni respecté le droit :
- le dossier d’instruction et le jugement ont été entachés d’erreurs et d’incohérences et la justice ne s’en est pas souciée,
- le tribunal a choisit « sa » vérité,
- la culpabilité de Jérôme Kerviel n’a pas été démontrée,
- et sa condamnation a été morale et idéologique et non juridique…
Le procès en appel a lieu du 4 au 28 juin 2012 : 12 jours d’audience, de débats, d’audition de témoins, de joutes verbales, de chamailleries, de warrants knockés, de futures en contreparties pending, d’extournes d’écritures en correction et autres arbitrages sur les turbos de la concurrence incompréhensibles de tous… à l’issue de ces 12 jours, tous ont marqué des points, tous en ont perdu. Mais qu’est-ce qui pouvait faire que la décision de première instance soit modifiée et que les 3 chefs d’accusation (abus de confiance, faux et usage de faux, introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé), ne soient pas de nouveau retenus dans ce méli-mélo de non-dits ? L’arrêt est mis en délibéré au 24 octobre 2012 et la Cour d’appel de Paris confirme ce jour-là en tous points le jugement de première instance. Jérôme Kerviel fait alors appel auprès de la cour de cassation… L’avocat général demande le rejet de ce recours mais celui-ci est finalement retenu…
Le 12 février 2013, Jérôme Kerviel saisit les prud’hommes pour demander une expertise sur les pertes qui lui sont imputées par la Société générale mais il est débouté le 3 juillet 2013. Hors de question pour le tribunal des Prud’hommes dqui se déclare incompétent pour décider d’une contre-expertise sur la déclartion de préjudice de la Société générale… Il saisit alors les prud’hommes pour licenciement abusif en demandant une indemnité de licensiement équivalent à la somme qu’il doit à titre de dédommagement à la société géénrale. La procédure doit être jugée le 24 mars 2014. Une tentative de conciliation a lieu en juillet 2013 mais la Société générale rejette tout accord amiable… ses représentants juridiques disant que la société ne lachera jamais la grappe à Jérôme Kerviel et que celui-ci ne pourra bénéficier d’aucuns centimes qu’il pourraient faire à propos de cette affaire (droits d’auteurs, profit sur la sortie de films ou de produits dérivés…). Début décembre 2013, on apprend Christophe Barratier a entrepris la réalisation d’un thriller librement adapté du livre « L’engrenage… » de Jérôme Kerviel…
La Cour de cassation doit rendre le 19 mars sa décision sur le pourvoi de Jérôme Kerviel à la cour de cassation. Ce dernier maintient sa position : « J’ai fait ce que la banque m’a appris à faire et je n’ai volé personne. La banque savait ou aurait dû savoir ce qui se tramait dans cette salle de marchés d’une tour de La Défense et ne peut donc se prétendre victime. Des défauts de contrôle importants ont notamment été pointés par le régulateur des banques qui a condamné la Société Générale à 4 millions d’euros d’amende pour ces manquements… ». Mais l’avocat général près la Cour de cassation rétorque qu’une « victime négligente n’est pas pour autant une victime consentante. ». Selon lui : « On ne peut tirer pour conséquence du défaut de vigilance de la banque son adhésion à la commission des agissements qui lui ont porté préjudice. ». L’ancien trader rappelle lui qu’il n’a tiré aucun profit personnel des opérations incriminées et accuse la banque d’avoir matérialisé cette perte en soldant son exposition sans discernement. Mais l’avocat général s’inscrit dans la lignée des 2 premières décisions de justice qui ont suivi la jurisprudence imposant une réparation intégrale du préjudice. Une fois le préjudice évalué, il ne peut être indemnisé qu’en totalité et non partiellement, selon lui, même si le montant est colossal.
Le 12 février, Eva Jolly, ex-juge d’instruction, estime que de nombreuses questions restent en suspens dans ce dossier. Mais le 13 février, l’avocat général près la Cour de cassation rend son rapport : la défense constate qu’il a rejeté tout examen des questions posées par l’accusé… Au cas, ou le recours en cassation était accepté le 19 mars, ceci signifierait que les premiers procès ont fait des infractions au droit français et le procès serait réouvert sur le fond. si la demande de pourvoi était rejeté, Jérôme Kerviel, qui a effectué aujourd’hui 37 jours de détention provisoire en 2008, sera incarcéré. Il ne pourra pas bénéficier d’un aménagement de peine qui n’est ouvert que pour les condamnations inférieures à 2 ans d’emprisonnement pour les primo-délinquants.
Le 13 février zu soir, le moral de Jérôme Kerviel est au plus bas après 6 ans de combat contre des moulins à vendre du vent… Quelques amis sont avec lui dont David Koubby… Jérôme Kerviel au bout du rouleau leur déclare : à part un miracle, je ne vois pas comment je sortirai de là… Et un de cses amis, en plaisantant lui dit : ça s’est une bonne idée, puisque les hommes ne veullent pas te donner justice, demande au pae françois s’il peut faire quelque chose pour toi ! Dès, le lendemain, Jérome et David écrivent en secret une très longue lettre au pape François relatant les faits en détail… Cette lettre est apparemment lue avec attention, et le 17 février, le secrétariat du pape les contacte pour leur dire que s’ils peuvent être le 19 janvier place Saint-Pierre, le pape François s’entretiendra avec eux quelques minutes sur ce qu’ils lui ont écrit…
Ils font le déplacement qui reste pratiquement inconnu de tous et Jérôme Kerviel décide à l’issue de cette courte entrevue de faire le voyage de retour de Rome à Paris, seul, à pied… Le secret est bien tenu jusqu’au 5 mars où il fait alors le tour du monde en quelques minutes…
Et, le 7 mars, Steevy Boulay qui n’en manque pas une et qui ne mérite pas seulement d’être chef d’escadrille mais digne ministre de l’Aérospatiale lors de la prochaine ou du prochain gouvernement Coppé ou Le Pen, voir Sarkozy si pas à la Santé avec Kerviel, franchit une nouvelle fois le mur du con…
Mais ça je vous en parlerai plus tard, dans l’épisode 3/3 qui n’est pas le plus intéressant dans l’histoire sauf qu’il m’a incité à étudier de près et écrire les épisodes 1 et 2 !