En-cas
« Parisien », car fait avec des spécialités locales, la baguette et le jambon « blanc », il est né dans les bistrots parisiens au début des années 1920 !
Malmené pendant la 2ème moitié du siècle par son ersatz surnommé « sandwich SNCF », il a bien failli disparaître face à la concurrence des hamburgers, des kebabs,… Mais, depuis quelques années, il refait sa renommée internationale grâce à une remise à niveau de sa qualité par des amateurs éclairés de la gastronomie et des amoureux de la « cuisine de rue » à la française !
Ingrédients (pour 1 personne) :
- une ½ baguette parisienne bien fraîche (voire encore tiède !) avec une bonne croûte croustillante et de la bonne mie aérée, souple et moelleuse,
- 25 à 40 g de bon beurre doux (à la rigueur demi-sel si on se trouve du côté de la Gare Montparnasse…),
- 100 à 120 g de fines tranches de bon jambon « de Paris » cuit à l’os, normal (blanc, avec couenne et gras !),
et en option :
- 2 bons petits cornichons longuement conservées dans le vinaigre (maisons ou de fabrication artisanale, pas ceux mis à macérer artificiellement vite fait par une filiale d’Unilever avec des additifs Monsanto ou Bayer garantis sans produits naturel…).
Temps nécessaires :
- préparation : 5 minutes.
Avec un couteau, ouvrir la baguette en 2.
Étaler le beurre sur la mie de la partie inférieure.
Découenner et éliminer le gras de la tranche de jambon puis le déchirer en lamelles.
Répartir la « chiffonnade » de jambon sur la mie beurrée.
Couper les cornichons en fines tranches et les répartir sur le jambon.
Fermer la baguette et déguster !
Ça, c’est le vrai Parisien !
On peut supprimer le beurre et le remplacer par de fines tranches d’emmental ou placer cet emmental entre le beurre et le jambon, voire remplacer le beurre par de la mayonnaise et ajouter des crudités (tranches de tomates, feuilles de laitue). Dans ce cas, ce n’est plus un sandwich parisien mais un Dagobert !
Un peu d’histoire…
Tous s’accordent à associer l’invention du sandwich au diplomate anglais John Montagu (° 1718-† 1792), 4ème comte de Sandwich, qui en consommait pour se sustenter… Mais les avis divergent sur les circonstances de cette invention… Certains disent que c’est en 1762, lors d’une partie de cartes au club Hellfire, à Londres, qui dura 24 h, qu’il demanda au majordome de lui préparer cet en-cas sans qu’il ait à quitter la table de jeu… D’autres disent que c’est vers 1765 que, travaillant d’arrache-pied pour la couronne britannique, il demanda à son factotum de lui apporter une fine tranche du bœuf salé et du cheddar (qu’il aimait tant…) entre 2 tranches de pain, pour qu’il déjeune rapidement à son bureau sans s’en mettre plein les mains… Toujours est-il que, sans le vouloir, il a laissé son nom à cet en-cas qui a commencé à faire le tour du monde après sa mort !
Le sandwich parisien, ou tout simplement « Parisien », car fait avec des spécialités locales, la baguette et le jambon « blanc », a fait lui son apparition dans les bistrots parisiens au début des années 1920, une vingtaine d’années après l’apparition de la baguette dans les boulangeries parisiennes. On dit que c’est Fulgence Bienvenüe (° 1852-† 1936) qui est à l’origine de la fabrication de cette baguette. Confronté à des rixes perpétuelles qui finissaient au couteau pendant les pauses déjeuner entre les ouvriers bretons et auvergnats qui participaient à la construction du métro parisien sous sa direction, il exigea un jour qu’ils remettent leurs couteaux avant d’être admis sur les chantiers. Ceux-ci protestèrent : comment allaient-ils faire pour couper les tranches de miches de pain lors de leur pause déjeuner ? Fulgence fît ainsi fabriquer par les boulangers du coin, des pains longs à la mie moelleuse et à la croûte croustillante qu’on pourrait facilement rompre à la main ! Et en échange des couteaux, il fît remettre ces baguettes aux ouvriers pour qu’ils puissent « casser la croûte » !
La recette de la baguette se diffuse alors dans Paris et en proche banlieue avec l’avancement des chantiers du métropolitain parisien… et les bourgeois parisiens adoptent ce pain à la fois croustillant et moelleux à manger rapidement !
En plus, plus rapide à fabriquer que les « pains de campagne » traditionnels car levant plus vite après mise en forme, les artisans boulangers peuvent facilement multiplier le nombre de fournées journalières en l’adaptant à la demande de pain frais tout en réduisant la durée de travail de leurs ouvriers imposée par les nouvelles lois du travail…
Et, après la 1ère guerre mondiale, le Parisien, fait son apparition dans les bistrots parisiens et aussitôt un tabac !
Dans les années 1960, avec le sandwich industriel « SNCF » (truc caoutchouteux garni d’une feuille à cigarette de jambon douteux), le « jambon beurre » parisien prend un coup qui faillit lui être fatal…
En plus, l’apparition des hamburgers, panini, hot-dogs, grecs, kebab, sandwichs triangulaires anglais au pain de mie, pizzas, … crée une concurrence redoutable.
« À force d’être martyrisé par l’industrie agroalimentaire, ce totem culinaire est devenu un genre de malbouffe à la française » notait en 2015 le renommé critique gastronomique François-Régis Gaudry (°1975) dans le documentaire intitulé « Le Jambon-beurre » célébrant son retour.
Il a en effet fallu attendre le IIIème millénaire pour que le Parisien commence à redorer son blason en redevenant frais et croustillant à l’initiative de quelques boulangers et artisans de la restauration rapide nostalgiques de l’ancien jambon-beurre…
En 2014, la SNCF organise sa première opération « Chefs de gare » pour redorer la gastronomie rapide dans les gares et dans les trains, fleuron français de l’entre deux-guerres salement amoché pendant la 2ème moitié du XXème siècle. Le chef étoilé Thierry Marx (° 1959), parrain de cette opération qui ne manque pas d’humour et de toupet, ose proposer « un vrai jambon-beurre », suivi en 2016 par Éric Fréchon (° 1963) qui lance un jambon-beurre de luxe dans sa brasserie de la gare Saint-Lazare.
Brique de cette réhabilitation du Parisien, le « Grand prix de la baguette de tradition française de la ville de Paris. » de la Chambre professionnelle des artisans boulangers du Grand Paris qui, depuis 1994, décerne chaque année une dotation à l’artisan-boulanger ayant fait la meilleure baguette et qui peut, s’il le souhaite, devenir le fournisseur officiel de baguette de tradition de l’Élysée pendant un an.
En 2018, pour la 24ème édition du concours, le prix a été attribué par un jury de 9 professionnels et 6 Parisiens tirés au sort qui ont jugé 181 baguettes déposées le matin, selon une grille de critères rigoureux sur le poids et les dimensions, l’aspect du produit, la qualité de sa cuisson, la consistance de la mie, son odeur et son goût. Et le résultat de ce prix annuel d’un des symboles internationaux de la France et des Français est désormais relayé par la presse internationale !
Côté Parisien, plusieurs grands organes de presse français publient désormais chaque année le top 5 des meilleurs jambons-beurre parisiens ! Et Le jambon-beurre se retrouve même érigé en symbole du luxe et de la classe à la française dans les boulangeries et restaurants huppés d’Hollywood…
Mais malgré tous les efforts pour le rendre de nouveau attrayant, la part de marché du Parisien est en déclin en France au profit du hamburger, du kebab et des autres sandwichs de restauration rapide : de 63% des ventes de sandwichs en 2009 en France, il ne pesait « plus que » 51% en 2017… la moitié quand même…
Espérons que les efforts faits pour rétablir sa qualité parviendront non seulement à pérenniser sa légende dans le temps mais surtout à continuer à en faire un des en-cas favoris des Français, des touristes étrangers, voire plus si affinités !