Plat
En breton, faut-il dire « galetezenn gwinizh du gant vi fritet keuz rasklet » (galettes de sarrasin œuf poêlé fromage râpé) ou « rampouezhenn ed-du gant vi fritet keuz rasklet » (crêpes de blé noir œuf poêlé fromage râpé) ? Là est la question : voir la réponse après la recette…
Ingrédients (par galette*) :
- 1 galette de sarrasin,
- 1 œuf très frais (2 pour les gros appétits),
- 1 noisette de beurre doux,
- 1 cuillerée à soupe d’emmental râpé bien frais (2 si 2 œufs),
- sel fin et poivre noir du moulin.
* Il n’est pas interdit de manger plus d’une galette par personne et, comme tout ce qui n’est pas interdit est autorisé, …
Si vous êtes courageux, que vous avez une crêpière et une raclette à crêpe, et que vous maîtrisez la technique pour étaler la pâte en un tour de main (et de raclette ), alors vous pouvez préparer vos galettes vous-mêmes !
Temps nécessaires : 3 minutes + 3 autres par couple poêle-galette.
Dans un poêlon ou une petite poêle, faire fondre la noisette de beurre à feu moyen (thermostat plaque 5/9).
Disposer la galette dans une assiette allant au four à micro-ondes. Si la galette est un peu sèche, passer une main sous l’eau tiède et l’humecter de quelques gouttes d’eau en secouant les doigts au-dessus.
Casser délicatement l’œuf (ou les 2 œufs) dans un ramequin ou un petit bol, sans crever le jaune, puis lorsque le beurre commence à mousser, faire glisser dans la poêle, saler légèrement le blanc et cuire à feu doux (thermostat plaque 3/9), environ 3 minutes, jusqu’à ce que tout le blanc coagule sans colorer et que la surface du jaune reste luisante.
Pendant ce temps, saupoudrer l’emmental râpé au centre de la galette puis passer l’assiette 1 minute au four à micro-ondes à pleine puissance pour réchauffer la galette et faire fondre l’emmental râpé.
Dès que la cuisson du ou des œufs est terminée, poivrer d’un ou 2 tours de moulin puis faire glisser sur le lit d’emmental râpé fondu, replier les bords de la galette et servir et déguster immédiatement.
Au moment de faire cette recette, j’ai été pris d’un doute : la galette de sarrasin, dite bretonne, est-elle réellement traditionnelle de la Bretagne ? Ce qui m’en faisait douter, c’était la présence dans ces galettes d’emmental, pas franchement breton…
Et puis, comme je l’ai toujours entendu dire, faut-il appeler galette les galettes de sarrasin car le nom crêpe ne concerne que les crêpes de froment sucrées ?
La culture du sarrasin, le « blé noir », est bien une tradition ancienne en Bretagne. Ramené du Moyen-Orient par des Croisés, il y fait son apparition dès le XIIème siècle et sa culture y est généralisée au XVIème siècle… Malgré son surnom de blé noir, le sarrasin n’est ni un blé ni même une graminée mais une polygonacée comme la rhubarbe et l’oseille ! Par contre, c’est une céréale comme toute plante dont les graines sont utilisées pour faire de la farine !
Le sarrasin n’aime pas les gelées mais, semé en juin, il se développe rapidement s’il fait chaud et humide en été. Son rendement est aléatoire mais il se satisfait de sols pauvres et sa culture nécessite peu de temps car il est très résistant aux maladies et détruit les « mauvaises herbes » qui ont l’idée saugrenue de venir pousser à côté de lui ! Ce tueur de mauvaises herbes est aussi une excellente plante mellifère. De plus, il enrichit le sol en phosphate et est parfait en culture alternée avec la pomme de terre ! Bref, il avait tout pour se plaire et être adopté en Bretagne !
Le nom galette, petit galet, donné à des gâteaux secs est attesté à Rouen au XIIIème siècle. Puis il est adopté en langue gallo en Haute-Bretagne (à l’est de la ligne Plouha-Loudéac-Vannes) pour désigner les crêpes de sarrasin. Le nom breton galetez donné à ces crêpes est un ajout récent car, en Basse-Bretagne, la Bretagne bretonnante de l’ouest de langue bretonne, le terme rampouezh désignait toute crêpe qu’elle soit faite avec de la farine de froment, de sarrasin ou d’un mélange des deux !
La galette de sarrasin est une tradition culinaire ancienne en Haute-Bretagne. Lors des fêtes populaires, les galetières, munies de grands pots d’un liquide, mélange de farine sarrasin, de sel et d’eau, d’un billig (plaque chauffante galetière ou crêpière) et d’une rozell (raclette) en proposaient aux passants, réchauffées avec une noisette de beurre ou chaudes garnies d’un œuf posé sur la galette en fin de cuisson sur le billig, ou, chaudes ou froides, roulées sur une saucisse ou une sardine grillée…
En Basse-Bretagne, la pâte traditionnelle des crêpes de sarrasin est un mélange 70/30 à 80/20 de farines de froment et de sarrasin et, en plus de l’eau et du sel, d’œuf voire de lait. Ce qui fait que la crêpe de sarrasin de Basse-Bretagne n’est pas constellée de petits trous et est plus fine et croustillante que sa cousine de Haute-Bretagne !
La galette « complète » (blé noir, œuf, jambon, emmental), reine depuis 60 ans des « crêperies bretonnes », est probablement une invention du XXème siècle…