Irish stew

Plat complet

Littéralement : ragoût irlandais… appelé aussi ballymaloe ou gaelach stobhach en gaélique…

Irish stew (avec un Château Saint-Clare 1996, cru Médoc bourgeois, ça le fait !).

Un ragout d’agneau tout simple mais vraiment delicious, considéré comme le plat national irlandais : un plat de fête idéal pour la Saint-Patrick, le 17 mars, mais aussi pour d’autres occasions !

Les connaisseurs diront que ça ressemble au baeckeoffe alsacien… Effectivement, ils n’ont pas tort ! Sauf que dans le baeckeoffe, d’après ce que j’en sais, la viande est généralement un tiers mouton, un tiers veau, un tiers bœuf (il semble qu’à l’origine c’était uniquement du porc…), que l’oignon partage sa place avec de l’échalote pour les fins gastronomes, que le thym n’est pas utilisé sauf pour le bouquet garni et que le bouillon de poule est remplacé par un bon vin blanc sec d’Alsace ! On fait avec ce qu’on a ;) !

Ingrédients (pour 4 personnes) :
Collier et poitrine d'agneau une fois désossés et dégraissés.- 600 g de collet d’agneau et 600 g de poitrine d’agneau ou 800 g de viande de bas quartiers d’agneau désossée, épouillée et dégraissée,
- 1 litre de bouillon de poule (ou à défaut 4 tablettes de bouillon de poule) et en option, 10 cl de bière brune,
- 1 bouquet garni (1 feuille de laurier, 2 brins de thym, 3 brins de persil) ou une tablette de bouquet garni,
- 1,2 kg de pommes de terre (utiliser de préférence deux variétés par exemple charlotte et roseval) et, en option, on peut remplacer ¼ des pommes de terre par des légumes racines comme carottes, navets, panais, …
- si la viande était dégraissée : une cuillerée à soupe de matière grasse (gras de rôti, graisse issue de la cuisson de lard frais, …),
C'est la ronde des oignons !- 2 gros oignons jaunes,
- 8 oignons sauciers,
- 2 gousses d’ail,
- 3 petites pincées de thym,
- 3 petites pincées de sel fin ou de fleur de sel,
- poivre ou mélange 5 baies du moulin.

Temps nécessaires :
- désossage, dégraissage et parage éventuel de la viande : 45 minutes à une heure,
- autres préparations : 30 à 45 minutes,
- cuisson : au moins 2 heures et 30 minutes, mais 3 ou 4 heures en deux fois, c’est encore mieux !

Dans une casserole, faire chauffer à frissonnement le bouillon de poule (ou un litre d’eau et les tablettes de bouillon de poule) avec le bouquet garni ou la tablette de bouquet garni puis laisser frissonner gentiment sur le coin du feu…

Si ce n’est pas déjà fait, désosser la viande, éliminer autant que possible les tissus conjonctifs (peaux intermusculaires) et retirer la graisse.

Les os dégagés parfument le bouillon......et la graisse servira à graisser le fond de la cocotte.Ajouter au fur et à mesure les os dégagés dans le bouillon et la peau et la graisse à fondre et à rissoler dans une cocotte de service allant au four ou dans une casserole si vous utilisez une terrine en céramique pour la cuisson finale.

Faire préchauffer le four à 180°c (thermostat 6).

Les pommes de terre détaillées façon chips.Éplucher les pommes de terre et éventuellement les autres légumes : carottes, navets, panais, …

Les couper en très fines rondelles, façon chips, à l’aide d’un robot ménager, d’une mandoline ou d’un couteau de chef !

Les fritons ont relâché leur graisse.Si vous avez récupéré la graisse, retirer les « fritons » de peau et de viande rissolés et les ajouter dans le bouillon qui frissonne.

Les oignons émincés grossièrement...Éplucher les oignons, les couper en 4 puis chaque quartier en fines rondelles.

... et l'ail haché finement.Éplucher l’ail, le dégermer puis l’émincer finement.

La viande parée.Détailler la viande en petits morceaux d’environ 2 à 3 cm.

Si vous utilisez une terrine pour la cuisson, y transférer la graisse ou la matière grasse fondue. Répartir le tiers des pommes de terre dans le fond de la cocotte ou de la terrine, saupoudrer de la moitié de l’ail haché et répartir la moitié des oignons. Saupoudrer d’une pincée de sel et d’une pincée de thym, saupoudrer de poivre du moulin et répartir la moitié de la viande.
Une couche de pommes de terre dans le fond et la moitié de l'ail... ...puis la moitié des oignons, pincées de sel, de poivre et de thym... ...la moitié de la viande... ...et on recommence avec une nouvelle couche de pommes de terre, etc., en finissant par une couche avec le reste des pommes de terre !

Recouvrir d’ un nouveau tiers de pommes de terre, saupoudrer du reste de l’ail haché, répartir le reste des oignons, saupoudrer d’une pincée de sel, d’une pincée de thym et de poivre du moulin, On couvre à niveau de bouillon, on ferme et c'est prêt à passer au four ! Enfin libre !répartir le reste de la viande, couvrir avec le reste des pommes de terre, saupoudrer d’une pincée de sel, d’une pincée de thym et de poivre du moulin et couvrir à niveau avec le bouillon (et éventuellement la bière brune) en complétant si nécessaire avec de l’eau bouillante.

Voilà ce que cela donne après 2 heures de cuisson.Couvrir, luter le couvercle d’un mélange eau-farine si vous utilisez une terrine, et enfourner pour 2 heures à 2 heures 30 minutes. Servir chaud avec de l’irish soda bread pour saucer !

L’irish stew prend pas mal de temps de préparation, surtout si l’on doit désosser et dégraisser la viande, mais peut être préparé à l’avance (le matin, en début d’après-midi, la veille) avec 2 heures de cuisson préalable, refroidissement dans le four éteint et réservation au frais. Et le moment venu, on le fait réchauffer 1 heure à 1 heure 30 minutes dans le four froid réglé à 180°C (thermostat 6) avant de servir en complétant si nécessaire le jus à niveau avec un peu d’eau avant d’enfourner.
Le même après une nuit d'attente et 2 heures de plus dans le four comme précisé ci-dessus après avoir rajouté 10 cl d'eau chaude avant de ré-enfourner... Absolutely delicious !

Quelques précisions historiques sur ce plat traditionnel irlandais…

L’irish stew traditionnel est un ragoût « blanc », c’est à dire que ni la viande ni les oignons ne sont revenus et dorés avant cuisson.

Pour ne pas durcir à la cuisson mais au contraire devenir bien moelleuse, la viande doit cuire longtemps et lentement sans que son liquide de cuisson ne dépasse le frémissement… D’où l’intérêt d’une cuisson en four, en cocotte couverte hermétiquement ou, au bain-marie, en terrine lutée, qui permet d’obtenir une cuisson lente et régulière au bon régime… Mais ça peut évidemment aussi se faire en cocotte fermée sur feu doux surveillé régulièrement pour que ça ne bouille pas ! Toujours pour assurer le moelleux de la viande, le liquide de cuisson doit être ajouté très chaud, à la limite de l’ébullition.

À l’origine, l’irish stew est composé de viande d’agneau (éventuellement de mouton quand on a pas d’agneau mais c’est plus gras et moins tendre), de pommes de terre, d’oignons et d’herbes simples comme le persil, seuls ingrédients avec ceux de la basse-cour dont les fermiers irlandais disposaient pour vivre…

Et pourtant, ces paysans irlandais élevaient de magnifiques troupeaux de bovins sur les verts pâturages irlandais ! Mais c’était pour de riches seigneurs anglo-saxons qui, à partir du début du XIIème siècle commencèrent à occuper l’Irlande, une fois les Normands calmés et partis, puis la déclarèrent possession britannique en 1494… Ensuite, de 1556 à 1649, près de la moitié des terres irlandaises furent confisquées par la couronne d’Angleterre au profit des aristocraties anglaise, écossaise et galloise… le tout étant couronné en 1649 par le massacre, par Cromwell et ses troupes (les Côtes de fer), d’un tiers à la moitié de la population irlandaise de l’île qui commençait à la trouver un peu saumâtre et commençait à se rebeller… Aux XVIIIème, XIXème et XXème siècles d’autres massacres d’irlandais celtes et catholiques et non anglo-saxons et anglicans eurent lieu… Mais les Irlandais restés grands poètes et musiciens envers et contre ces persécutions anglaises, produisirent de belles œuvres comme The wind that shakes Barkley ou le Bloody sunday de U2 en 1983 en souvenir au 30 janvier 1972 où 28 manifestants pacifiques irlandais furent blessés par balles à Derry en Irlande du Nord par l’armée britannique et 14 décédèrent sur le coup ou suite à leurs blessures. Une enquête menée rapidement par une commission présidée par Lord Widgery blanchit l’armée britannique en concluant qu’elle avait répondu à des tirs de l’IRA… Cependant, aucune arme ne fût trouvée ni sur les lieux, ni sur les manifestants, pas plus d’ailleurs que de traces de poudre ou d’explosif sur les 28 victimes et aucun militaire britannique ne fût blessé ce jour-là… Seulement, voilà, 25 ans plus tard, le 16 mai 1997 sur Channel 4, quatre soldats britanniques présents ce jour-là à Derry affirmèrent que les parachutistes avaient tiré l’arme à la hanche dans la foule, contredisant la thèse officielle qui prétendait que les tirs avaient visé des cibles précises et hostiles…

L’association pacifiste et non-violente qui avait organisé cette marche pacifique du 30 janvier 1972 à Derry demandait l’égalité pour tous les citoyens nord-irlandais et la fin des pratiques discriminatoires des pouvoirs locaux envers les catholiques au niveau politique, social et économique. Ainsi, ses demandes étaient l’annulation de la loi des Pouvoirs Spéciaux de 1921, la réforme de la police majoritairement protestante, la fin des discriminations pour le logement et l’emploi, et l’abolition du gerrymandering et du vote censitaire qui assurent aux protestants une surreprésentation au Parlement du Stormont… Ce jour-là, ils marchaient pour protester contre la loi d’internement administratif, décidé par le Parlement nord-irlandais le 9 août 1971 : en quelques mois, plusieurs centaines de catholiques avaient été emprisonnés sans procès dans des camps d’internement de l’armée britannique… Ce massacre de militants pacifistes irlandais marqua en fait une nouvelle étape qui conduisit à la ré-intensification de la guerre civile en Irlande : les rangs de l’IRA se gonflèrent après ce massacre, entraînant un engrenage mortel d’attentats et de représailles entre les camps en présence, pendant 33 ans, jusqu’en août 2005…

Du fait des critiques adressées à la version britannique de cet événement, Tony Blair, alors premier ministre, fit ouvrir une nouvelle enquête le 29 janvier 1998, veille de la commémoration annuelle de la tragédie de Derry. De 1998 à novembre 2004, 921 témoins ont été entendus et 1.555 témoignages écrits ont été examinés par un tribunal composé de magistrats anglais, canadiens et australiens. Plusieurs soldats ont avoué avoir menti lors de leurs dépositions précédentes et reconnaîtront que les victimes étaient désarmées. Un autre a déclaré que lors d’une séance d’instruction quelques mois auparavant, les instructeurs leur avait explicitement indiqué que lors des prochaines manifestations, quelle que soit leur nature, « il faudrait faire des morts ». Un autre élément accrédite la préméditation des tirs sur la foule : une communication interceptée par un policier irlandais présent au QG des paras rapporte que les soldats avaient reçu l’ordre d’utiliser des munitions de petit calibre, différentes des munitions habituellement en dotation dans ces unités, dans le but de faire un maximum de dégâts. On a en effet retrouvé des balles de petit calibre dans les cadavres des manifestants abattus… Le rapport final de cette nouvelle enquête était attendu en 2007 puis, le 7 novembre 2008, il fut annoncé qu’il ne serait pas disponible avant fin 2009. Le 23 septembre 2009, Lord Saville, le juge chargé de l’enquête, annonça un nouveau retard et s’attendait pouvoir fournir le rapport définitif au secrétaire à l’Irlande du Nord pour mars 2010… Donc dans quelques jours…

Pour en revenir à l’irish stew, les produits de l’élevage bovin (lait, viande, peaux) étaient destinés uniquement à la consommation britannique et, pour leurs propres besoins, les irlandais furent réduits pendant plusieurs siècles à élever quelques moutons qui leur fournissaient lait et viande pour se nourrir et laine et peaux pour se fabriquer des vêtements, des tissus, des chaussures…

Ces fermiers cultivaient par ailleurs, et presque exclusivement, des pommes de terre… monoculture légumière qui fût d’ailleurs à l’origine de la mort de plusieurs millions d’Irlandais lors de la grande famine qui décima la population irlandaise de 1846 à 1848 après que le mildiou ait ravagé les cultures de pommes de terre, sous le regard, au mieux indifférent, des grands propriétaires terriens britanniques…

Avec la diversification de leur jardin potager vers la fin du XIXème siècle, certains gourmets irlandais commencèrent à agrémenter leur irish stew de quelques petits ajouts de légumes racines comme navets, carottes ou panais ou le remplacement du persil par du céleri voire du thym…

Et puis parallèlement, à partir du milieu du XIXème siècle, lorsque les Irlandais commencèrent à immigrer aux États-Unis pour fuir les persécutions anglaises, la pauvreté et la famine, ils emmenèrent leurs traditions alimentaires en les adaptant aux ressources locales et la viande bovine se substitua ainsi à la viande ovine dans l’irish stew « à l’américaine », les moutons n’étant pas bien vus aux USA car, arrachant l’herbe plutôt que de la couper comme les bovins, ils étaient considérés comme des descendants d’Attila : là où ils paissaient, l’herbe ne repoussait pas :D

La recette a également évolué tant en Irlande qu’aux USA pour y inclure le prestigieux breuvage irlandais qu’est la Guinness Stout !

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5 réponses à “Irish stew”

  1. Dominique Toucequibouge le 5 mars 2010 à 13:22

    Cher Maitre,

    Je me souviens très bien avoir gouté ce plat : quand on le voit arriver sur la table, on se dit que c’est de la m….., quand on goute, on regrette que ça n’en soit pas.
    Mes amitiés à Germaine Trouduc.
    Dominique.

  2. OK Dominique, la prochaine fois que tu viens manger à la maison, je sais ce que je vais te faire ! Tu m’en diras des nouvelles et tu ne vas pas le regretter… espèce de Séquanais inculte… Comme s’il n’y avait que la cancoillote dans la vie… Mais il est vrai que tu as des circonstances atténuantes, n’ayant eu connaissance que de ça, jusqu’à ton âge de raison… que tu ne me semble pas près d’atteindre… Quand je pense que des moines celtes irlandais ont quitté leur beau pays pour tenter de sortir la Séquanie de la barbarie, il y a environ 1.300 ans à 1.400 ans… Avec le recul, je pense qu’ils auraient mieux fait de rester chez eux…

  3. Super intéressant, de bout en bout ! Inclut en plus U2, le bonheur est à son comble. Ca veut dire quoi « épouiller » la viande ?

  4. Oops ! Effectivement, dépouiller la viande (ou aussi la parer) est préférable : enlever les tissus conjonctifs ou « peaux » …
    Car épouiller, c’est chercher et enlever les poux ! Pas bon signe sur la qualité de la viande ça ! :D

  5. Merci, un très bon article sur l’Irish Stew, et une très bonne recette…

    Pour ma part j’ai ajouté un demi pied de celeri. C’était très bon.

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