Porc au caramel (Thit-khô)
Plat complet
Selon les indications de Marguerite DURAS !
Marguerite DURAS, à propos du thit-khô, dans »La cuisine de Marguerite, janvier 1999, éditions Benoît JACOB » :
Jamais vous n’en mangez en France parce qu’en Indochine, on coupe la viande avec le gras et la couenne en même temps. C’est à dire que c’est ce qui fait la viande complète, le gras pour être mangé avec la viande, la gelée pour faire la sauce la plus savoureuse.
Vous faites bouillir le morceau de porc. Après 1/2 heure vous arrêtez la cuisson. Vous mettez un peu de bouillon de la viande dans une petite casserole avec du sucre, 6 à 8 morceaux. Vous faites caraméliser. Quand le sucre va noircir, qu’il fume déjà, ouvrez les fenêtres pour l’odeur, éloignez-vous du réchaud et versez sur le caramel quelques rasades de nuoc-mâm : presque aussitôt le caramel au nuoc-mâm se forme. Versez le tout dans le bouillon de porc. Faites fondre ce qui reste de caramel dans la petite casserole en plusieurs fois si c’est nécessaire et rajoutez de l’huile. Faites encore cuire 3/4 d’heure, 1 heure.
Ça se garde des jours. On peut même faire le plat avec du poisson. J’ai été élevée avec ce plat qui se mange avec du riz blanc.
Ce thit-khô… Celui de Marguerite. C’est la seule recette que j’ai trouvée où le porc cuit longuement dans un bouillon [1]… Oui dans un bouillon. Nous ne l’avons pas regretté cette recette. Non nous ne la regrettons pas… si ce n’est qu’il n’y en avait pas assez pour se régaler de nouveau le lendemain… C’est un délice !
Ingrédients (pour 4 personnes) :
- 1,2 kg de poitrine de porc fraîche sans os (pork belly en anglais),
- 1 bouquet garni : 3 feuilles de laurier, 1 cuillerée à café de thym et 2 cuillerées à café de persil séchés,
- 30 g de sucre semoule,
- 4 cuillerées à soupe de nuoc-mâm,
- 1 cuillerée à café de cinq-parfums,
- 2 cuillerées à soupe d’huile de sésame,
- en option : quelques gouttes de PatRelle.
Et pour l’accompagnement :
- 16 œufs de caille,
- 250 g de riz thaï parfumé,
- 1 petite poignée de gros sel,
- 200 g de germes de soja,
- 2 ou trois pincées de sel fin,
- 1,5 cuillerées à soupe de vinaigre de riz ou de vinaigre de cidre,
- 1 pincée de sel fin,
- 3 cuillerées à soupe d’huile de sésame ou d’huile de pépins de raisins ou d’un mélange des deux,
- 2 ciboules ou 2 petits oignons nouveaux ou une échalote, hachés finement.
Temps nécessaires :
- préparation : 10 minutes (le reste en temps masqué),
- cuisson : au moins 90 minutes.
Si le porc n’est pas complètement désossé, finir de le faire puis le découper avec couenne et lard, en cubes d’environs 3 cm.
Mettre les feuillles de laurier, ainsi que le thym et le persil mis dans une boule à thé, et les cubes de poitrine dans une marmite (les morceaux d’os et de cartilages de côtes aussi s’il y en avait : ça ne peut faire que du bien au goût !).
Couvrir avec 1 litre d’eau, porter à ébullition en écumant, laisser bouillir 30 minutes en remuant de temps en temps puis baisser le feu.
Dans une casserole, faire dissoudre le sucre dans 5 cl de bouillon de porc puis, à feu moyen, porter à ébullition, baisser le feu pour que le sucre bulle gentiment jusqu’à formation d’un caramel brun clair (attention, une fois que le caramel commence à colorer, ça tourne vite au charbon !).
Mettre le caramel sur le côté du feu, ouvrir les fenêtres ou mettre la hotte à fond les manettes, et déglacer le caramel avec le nuoc-mâm [2] puis ajouter au porc, dans la marmite.
Finir de déglacer la casserole de caramel à l’aide de bouillon de cuisson et ajouter dans la marmite, ainsi que le cinq-parfums, le PatRelle, et l’huile de sésame puis laisser mijoter encore une 1 heure à couvert en remuant de temps en temps [3].
Ajouter de l’eau si la sauce réduit par trop mais pas trop : à la fin, il ne doit subsister qu’un sirop en faible quantité !
Éplucher et hacher finement les ciboules.
Préparer une vinaigrette avec le vinaigre de riz ou de cidre, le sel fin, l’huile de sésame ou de pépins de raisins et les ciboules hachées : dissoudre le sel dans le vinaigre, émulsionner avec l’huile puis ajouter la ciboule hachée et bien mélanger.
Faire blanchir les germes de soja 5 minutes dans l’eau bouillante salée puis les mettre à égoutter.
Faire cuire les œufs de cailles mollets, 2 minutes dans l’eau bouillante, ou durs (4 minutes), les refroidir aussitôt à l’eau très froide puis les écaler (nota : les œufs de cailles mollets ne sont pas faciles à écaler : sur 10, j’en ai raté 3 ; mais ceux dont l’écalage est raté font le plaisir et l’apéritif du cuistot ! Cuits durs ça va un peu mieux… mais mollets c’est quand même meilleur… La prochaine fois j’essaierai des œufs cuits 3 minutes…).
Mettre le soja dans un saladier et répartir la vinaigrette dessus.
Laver le riz et le mettre à bouillir dans 1 fois et demi son volume d’eau.
À ébullition, baisser le feu, couvrir et laisser cuire doucement, environ 10 à 12 minutes, jusqu’à évaporation complète de l’eau de cuisson, alors que les grains de riz se détachent lorsque l’on remue avec une spatule.
Dans une casserole, 5 minutes avant de servir, mettre les œufs de cailles à colorer et réchauffer dans une petite louche de bouillon de cuisson, sur le coin du feu.
Mettre le riz dans un saladier, prélever la viande bien chaude à l’écumoire et la faire dégraisser quelques instants sur un papier ménager, la disposer sur le plat de service, avec les œufs et servir immédiatement le tout : thit-khô, riz et salade de germes de soja.
[1] En règle générale, les recettes que l’on trouve en France tiennent plutôt d’une fricassée de porc et les auteurs utilisent souvent du filet de porc… Du coup, ça n’a plus grand chose à voir avec le plat des pays d’Indochine dans lequel le gras et la couenne de la poitrine ont la place revendiquée par Marguerite ! Cet avis est d’ailleurs entièrement partagé par Chuong, le mari de ma chère Dominique Ph., une excellente cuisinière convertie de longue date à la cuisine vietnamienne, qui m’a confirmé que c’était bien du « pork belly » qu’il fallait utiliser pour le thit-khô !
Un peu étonné par l’absence de références au porc bouilli sur le web francophone, j’ai demandé à Hui – ma Chinoise préférée – si elle connaissait un plat traditionnel de porc caramélisé comme ça, avec cuisson à l’eau… Enthousiasmée par l’idée que j’allais mitonner ça un de ces jours, elle m’a dit que ça existait, qu’elle adorait et que son oncle en faisait un excellent ! Mais elle a été plutôt surprise quand je lui ai dit que j’allai faire ça, comme là-bas, avec des œufs de cailles mollets ! Il faut dire que Hui est de Dalian, à 2.500 km au nord-est de la péninsule indochinoise… Après vérification, son truc à elle ce n’est pas la même chose : c’était le tang cu paï gu (travers de porc au sucre et au vinaigre)… Elle doit m’en traduire une recette traditionnelle : on essaiera un prochain jour ! Mais, quoi qu’il en soit, Hui s’est régalée de ce thit-khô méridional !
[2] Sur ce coup-là, les indications de Marguerite sont parfaitement judicieuses : il faut veiller à bien aérer la cuisine avant de déglacer le caramel avec le nuoc-mâm… Lorsque je l’ai fait, Chantal, pourtant au courant de ma recette en cours, s’est précipitée dans la cuisine, en se demandant si je ne m’étais pas absenté par mégarde des fourneaux : « Qu’est ce qui se passe ? Ça sent comme un parfum d’écurie jusqu’au salon ! Tu fais gratiner du vieux Maroilles ? ». Mais au bout de quelques minutes, avec la fenêtre grande ouverte ou la hotte d’extraction à fond les manettes, ça se calme et la cuisson dégage ensuite un parfum plus subtil !
[3] Il est possible de commencer la veille ou l’avant-veille en menant la première demi-heure de cuisson à l’eau bouillante puis la seconde avec le caramel et les épices et de réserver alors dans un récipient hermétique au frais et à l’abri de la lumière… avant de parachever avec la dernière demi-heure de cuisson et la préparation des accompagnements, juste avant le repas.
Pour le poisson, c’est le maquereau qui est utilisé
Indication précieuse ! Merci Roro !
Appétissant ! Bravo !
Bonjour.
Quelle surprise, en me baladant sur le net, de découvrir MA recette! Car oui, c’est comme ça que je fais le »Thit Khô » (ou porc au caramel), depuis toujours. Je ne suis pas surprise évidemment que mes enfants et amis soient tjrs déçus lorsqu’ils mangent ds les resto chingchong d’Occident, mais je le suis d’entendre les mêmes me dire en revenant de vacances ds les pays de Sud Est asiat. que ma cuisine est bien meilleure que celle qu’ils y ont mangée.
Les traditions culinaires se seraient-elles perdues, ou y fait-on aux touristes une cuisine au rabais? Les 2 seraient bien dommage. (Même ds la rue?)
Bon. Je cherche désespérément la recette d’omelette de ma maman. Celle qui s’en rapproche le + est celle de M. Duras, que je viens de lire et que je tente ce soir-même.
bien cordialement
Titi