Le calendrier chinois : Zhōngqīujié, fête de la Lune !
Zhōngqīujié (中秋节), la fête de la mi-automne ou encore de la Lune ou de la réunion, est une fête traditionnelle très populaire en Extrême-Orient. Elle a lieu le soir du quinzième jour du huitième mois du calendrier chinois…
Après Chunji (春节), fête du printemps et premier jour du nouvel an chinois symbolique du signe masculin du yang, la fête de mi-automne est la fête traditionnelle la plus importante en Chine mais aussi au Japon et dans le sud-est de l’Extrême-Orient… Outre d’être la fête de mi-automne, cette fête est dédiée à la Lune, symbole du yin féminin, et aussi au rassemblement et à l’unité de la famille.
Zhōngqīujié, fête de la mi-automne
Proche de l’équinoxe d’automne et aussi dédiée au dieu du sol (Tu di gong), Zhōngqīujié était l’occasion dans le passé de fêter la fin des moissons et de la saison agricole, tout comme les fêtes de la moisson, des récoltes ou des vendanges dans les pays occidentaux.
Pour la nuit de la fête de la mi-automne, chaque famille dressait un repas à l’horizontale, c’est à dire avec tous les plats présentés sur la table avant le repas, avec des fruits tels que des melons et des chataîgnes d’eau, des racines de lotus, des fruits secs assaisonnées à la cannelle, des préparations à base de taro (Colocasia esculenta), tubercule au goût de pomme de terre et de châtaigne dont la chair nacrée est teintée de rose et de mauve, et, au milieu de la table, une pyramide de yuebing, les gâteaux de Lune, ou un grand yuebing divisé en autant de parts que de membres de la famille. Et de belles fleurs jaunes de canneliers décoraient la table et parfumaient la pièce.
Quand venait le repas, chaque membre de la famille s’inclinait face à la Lune puis tout le monde s’asseyait autour de la table et se partageait les mets et des offrandes en bavardant. Et pour finir, les anciens racontaient des histoires sur la Lune que les enfants écoutaient attentivement.
Zhōngqīujié, fête de la Lune
Parmi ces histoires figurent en bonne place celle de la légende de Chang’e (嫦娥 ou Heng-e ou Heng-o 姮娥) et de son mari Hou-yin (ou Yi 羿, Hou-yi 后羿, Yi-yi 夷羿 ou Ping-yi 平羿), l’archer céleste, dont l’origine remonte à la dynastie Han, vers -200 avant J.C., à la fin de la période des Royaumes Combattants…
Il y a en effet bien longtemps, Chang’e a quitté la Terre et son époux pour s’installer sur la Lune et devenir la déesse de cet astre…
Le jour de la pleine Lune la plus proche de l’équinoxe d’automne, donc le 15ème jour du 8ème mois lunaire chinois, est vraiment idéal pour lui rendre hommage car, en Chine, à cette époque de l’année, le ciel est clair et dégagé et c’est alors que la Lune, à minuit, au plus haut du ciel étoilé, est la plus ronde et la plus blanche de toute l’année… Mais, au fait, pourquoi Chang’e est-t-elle solitaire depuis si longtemps et dans la Lune ?
Mais avant d’en venir à l’histoire de Chang’e, il faut rappeler tout d’abord celle de Hou-yin, son époux…
Il y a environ 4.400 années solaires, à l’époque de l’empereur Yao, la Terre était entourée de dix Soleils qui illuminaient la Terre, chaque jour à leur tour. Mais un matin, les dix Soleils apparurent en même temps, faisant bouillir les mers et desséchant les terres et la végétation…
Pour sauver le monde de ce chaos, Yao fît appel au chasseur Hou-yin, un archer d’élite, et l’envoya au sommet de la montagne Kunlung pour qu’il remette un peu d’ordre dans le ciel… Et, à l’aide de son arc et de ses flèches, Hou-yin décrocha neuf Soleils pour qu’il n’en reste plus qu’un (comme vous vous en doutez, c’est celui que nous connaissons aujourd’hui !)…
Quelques temps plus tard, alors que Hou-yin traversait un ruisseau en revenant de la chasse, il aperçut une belle jeune fille sur la rive : c’était Chang’e. Celle-ci lui offrit de l’eau pour qu’il se désaltère ainsi qu’une belle fleur en témoignage du respect qu’elle avait pour lui, car elle avait appris ses exploits. Et paf ! Les deux jeunes gens tombèrent amoureux l’un de l’autre, se marièrent et devinrent inséparables.
Hou-yin se dit un jour que son exploit devait lui donner le droit de vivre éternellement avec Chang’e… Il laissa Chang’e et partit vers l’ouest à la recherche de la déesse Xiwangmu, reine mère d’Occident et maîtresse du Jardin de longue vie, pour lui demander de son élixir d’immortalité afin de le partager avec Chang’e, après son retour, lorsqu’ils seraient âgés…
À partir de là, les versions divergent… et chaque conteur à loisir de raconter la version qu’il préfère, selon sa philosophie de la vie…
En effet :
- Est-ce Xiwangmu qui détenait cet élixir ou un ermite retiré du monde ?
- Xiwangmu, ou l’ermite, ont-ils remis volontairement l’élixir à Hou-yin ou celui-ci leur a-t-il dérobé ?
- Chang’e vola-t-elle l’élixir à son mari pour en profiter seule , et si oui le fît-elle par cupidité …ou simplement parce qu’il ronflait la nuit ?
- Si elle l’avait volé, en avait-elle pris uniquement la moitié lorsque qu’il la surprît à son retour et, aurait-elle fini par tout consommer par crainte de subir son courroux pendant les siècles des siècles ? Où avait-elle déjà tout avalé goulûment avant son retour pour qu’il n’en profite pas ? Fût-elle par conséquent transformée en crapaud à trois pattes pour la punir de sa faute (en attendant qu’un prince charmant vienne lui faire une bise pour qu’elle retrouve son allure de princesse ?) ?
- Et si elle consomma tout l’élixir, était-ce vraiment par cupidité ou pour protéger le monde de la folie de Hou-yin devenu ivre de vin et de pouvoir et qui se rendait coupable de tyrannie envers tous, suite à son exploit ? Ou alors pour éviter que Feng-meng, disciple de Hou-yin, bon archer mais homme ambitieux et jaloux, dérobe l’élixir pour que son maître mourût avant lui pour devenir alors le meilleur archer du monde jusqu’à la nuit des temps ? Certains racontent en effet qu’un jour où Hou-yin était parti chasser, Feng-meng menaça Chang’e de son arc pour se procurer l’élixir… Chang’e n’aurait alors pas eu d’autre issue que d’ingurgiter rapidement l’élixir pour éviter que l’élève jaloux ne s’en empare… Apprenant celà à son retour, Hou-yin aurait été envahi d’une immense tristesse d’avoir ainsi été séparé de Chang’e, puis rempli de colère, partît rechercher Feng-meng…
-Feng-meng, perfide jusqu’au bout, l’attaqua-t-il aussitôt par derrière pour l’envoyer au royaume des morts en lui assénant un violent coup de bâton sur l’occiput ? Ou Hou-yin réussît-il à se débarrrasser de son ancien disciple et passa le reste de ses nuits dans son jardin à contempler la Lune pour y voir Chang’e, en brûlant de l’encens pour lui rendre hommage ?
- d’autres disent que Chang’e était tout bonnement la fille de l’empereur Ku et donc la sœur de l’empereur Yao : immortelle du palais impérial, elle aurait été punie pour faute. Bannie et privée de son immortalité, elle se serait tapée l’élixir ramené par Hou-yin en disant « m’en fiche, l’aurait quand même l’immortalité… ».
- et certaines mauvaises langues racontent même que Chang’e se serait en fait vengée d’aventures extra-conjugales que Hou-yin aurait eu avec Mi-fei, la femme de He-bo connue comme étant une gourgandine…
Toujours est-il que Chang’e consomma seule ce fameux élixir dont la fabrication (recette pour 2 personnes…) nécessite un fruit de l’arbre d’immortalité, fruit qui ne pousse qu’au rythme d’un tous les 3.000 ans !
Toutes les personnes ayant consommé cet élixir d’immortalité vous le diront : celui-ci permet normalement de voleter tout simplement tranquillement dans les airs jusqu’à la fin des temps…
Mais, là, Chang’e avait pris double portion… Et, comme elle était déjà légère comme un rayon de Lune, elle fût victime d’une overdose, et s’envola illico vers le ciel telle une baudruche gonflée à l’hélium… Cependant, ayant rapidement réussi à retrouver ses esprits et ne voulant pas trop s’éloigner de Hou-yin, elle réussit à se réfugier sur l’astre le plus proche, la Lune.
Et c’est depuis que le palais lunaire dans lequel elle vit – il est situé dans le cratère Chang-ngo – illumine la Lune d’un éclat nouveau…
Bref, vous l’avez vu, les versions de l’histoire de Chang’e et de Hou-yin ne manquent pas et on peut les varier pour satisfaire le monde entier !
Mais parmi toutes celles dont je me suis inspiré pour écrire ce bref résumé, celle que je trouve la plus belle, c’est celle-ci !
Une petite précision : selon les contes chinois, Chang’e ne serait finalement pas seule à vivre sur la lune ! En effet, elle aurait pour compagnons Wu-gang, sorcier puni par les dieux, qui, pour éviter que la Lune ne s’obscurcisse, doit tailler éternellement un cannelier qui repousse sans cesse, ainsi que Mingji, le lièvre de jade qui a des dons d’apothicaire et offrit sa chair au Bouddha, et un crapaud… La présence d’un crapaud comme compagnon de Chang’e prouverait d’ailleurs que celle-ci n’était pas cupide puisque le crapaud, finalement, ce n’est pas elle !
Zhōngqīujié, fête de la réunion
Comme on l’a déjà évoqué, Zhōngqīujié était et est encore l’occasion d’une réunion familiale rassemblant toute la famille autour d’un repas de fête ; au fil des temps, c’est aussi devenu de plus en plus l’occasion que chacun offre aux autres de petits présents ; Zhōngqīujié, est donc en quelque sorte le Noël familial traditionnel des Chinois… même si ceux-ci, chrétiens ou non, font également de plus en plus une fête de famille le jour de Noël, comme dans la plupart des pays du monde…
Désormais, le repas de Zhōngqīujié est rarement servi à l’horizontale mais plutôt à la verticale, c’est à dire avec une sucession de plats servis les uns après les autres ; outre les mets traditionnels symboliques déjà cités, le menu comprend, par exemple, des escargots de rizière, un poisson entier, des crêpes bo-bing dans lequel chacun roule des morceaux de canard laqué et des légumes finement émincés : oignons crus, concombres, carottes, …
Une fois le moment du dessert venu, les Chinois sortent se promener en famille avec des lanternes pour admirer ensemble la rondeur de la pleine Lune de mi-automne, tout en dégustant des fruits et des gâteaux de lune.
De plus en plus également, lorsque le temps s’y prête, Zhōngqīujié est l’occasion d’un pique-nique nocturne en famille… Et pour ceux qui n’ont pas pu rejoindre leur famille, des étudiants notamment, la fête de la Lune est ainsi souvent célébrée dehors, avec une bande d’amis…
Mais dans tous les cas, les indispensables yuebing sont là pour cette occasion !
Les yuebing (月饼)
Ce sont des gâteaux en forme de palets dont la belle surface circulaire dorée rappelle la pleine Lune ; cette surface est décorée de reliefs composés de dessins et de sinogrammes de bonne augure ou faisant référence aux légendes lunaires ; aujourd’hui, devant la diversité croissante des yuebing, les pâtissiers complètent ces décorations par des caractères précisant leur contenu, pour faciliter le choix…
La croûte du gâteau, plus ou moins croustillante selon la méthode de fabrication, est une pâte de farine de blé, d’huile, de sucre et de maltose ; cette croûte est fourrée d’une purée sucrée-salée qui peut être fabriquée à partir de différents ingrédients tels que pâte de soja, jambon, saucisse, noix, amandes, jujube, lotus, haricots, dattes, sucre, sel et épices et parfois, rafinement suprême, d’un jaune d’œuf dur caché au milieu du gâteau pour y représenter la Lune !
A noter que le record du monde du plus gros yuebing a été pulvérisé le 20 août 2009, à Shenyang, avec un yuebing de 8,15 mètres de diamètre et 20 centimètres d’épaisseur soit environ 12,98 tonnes (voir image ci-dessus) : de quoi faire plus de 130.000 parts !
Quelques recettes classiques :
- le yuebing de Xuzhou a une enveloppe croustillante à feuilles multiples et est fourré d’une purée de haricots rouges, de poivre du Sichuan, de sel, de sucre, de viande de porc et de cinq pépins ;
- le yuebing de Beijing est farci avec une purée de fruits secs et de haricots rouges ;
- le yuebing de Guangdong a une forme élégante, une enveloppe mince, une couleur agréable et est farci de mélanges à base de noix de coco, de purée de graines de lotus, de cinq pépins, de poulet, de jambon, ou encore de fleurs de laurier ;
- …
Cette année, Hui, notre chinoise adorée, nous en a offert une belle boîte d’un assortiment aux douze parfums, ramenés tous frais de Dalian :
- châtaigne d’eau (Eleocharis dulcis),
- pastèque,
- maïs,
- œuf,
- taro (tubercule de Colocasia esculenta),
- crevette piquante,
- ail chinois (Allium tuberosum ou ciboulette chinoise),
- noix de coco,
- cinq pépins,
- haricot rouge,
- café,
- et poire !
Vas-y Hui, fait péter la poire !
Et pour finir si vous voulez faire des yuebing vous-mêmes, en voici une recette authentique !
Mots-clefs : Cuisines du monde, Festivités, L'éphéméride
Vous pouvez suivre les réponses à cet article via le flux RSS 2.0. Vous pouvez commenter, ou faire un trackback depuis votre site.Imprimer
Moi qui suis un grand fan des Yue Bing, je ne savais meme pas qu’il y avait un record du monde
merci pour toutes ses infos