La bonne cuisine
La bonne cuisine, Manuel économique et pratique (Ville et Campagne) avec plus de deux cents gravures.
Paris, Alfred Degorge éditeur.
Un ouvrage d’Emile Dumont (1829-1887), 660 pages, format 12,4 x 19,4 x 4,4 cm… dont mon ami Jean-Marie G., grand amoureux de livres anciens, vient de m’offrir la 29ème édition « revue, augmentée et honorée d’une mention honorable à l’exposition universelle de 1889″ !
Merci Jean-Marie pour ce cadeau passionnant !
Cet ouvrage est en effet très intéressant car il se situe à une période charnière où le service à la russe commençait à prendre le pas, en France, sur le service à la française et juste avant que le service à l’anglaise, le seul connu aujourd’hui dans l’hexagone et pratiquement dans le monde entier (service plat par plat et « à la place » à part pour les buffets), ne supplante les services à la russe et à la française, du fait du développement de la restauration professionnelle telle qu’on la pratique depuis la fin du XIXème siècle !
En fait, « La bonne cuisine, manuel économique et pratique (Ville et campagne) » avait un précurseur : »La bonne cuisine française, manuel guide de la cuisinière et de la maîtresse de maison », d’Emile Dumont & al. ; ce dernier ouvrage est consultable, intégralement, dans sa 3ème édition (1877) sur le site internet Gallica de la Bibliothèque Nationale de France ». Si j’ai bien compris, la « La bonne cuisine » a fait suite à « La bonne cuisine française » car Emile Dumont y avait ajouté des mets étrangers… comme le tavouk gueunksis par exemple…
Et, sans le savoir, vous avez peut être déjà entendu des extraits de l’ouvrage d’Emile Dumont car, en 1949, Leonard Bernstein (le compositeur entres autres de la musique de West side story…) composa « La Bonne Cuisine », un cycle vocal baroque dont les paroles sont tout bonnement des extraits du livre « La Bonne Cuisine » d’Emile Dumont (et non pas de « La bonne cuisine française » qui ne donne pas la recette du tavouk gueunksis !).
Dans ce cycle vocal de Leonard Bernstein, une jeune femme devenue jeune épouse subit le cauchemar de la parfaite maîtresse de maison : pour les menus qu’elle envisage, les mots et les ingrédients s’envolent et les recettes se dérobent à elle… Et voici ce qu’elle chante :
1. Plum pudding
Deux cent cinquante grammes de raisins de Malaga,
Deux cent cinquante gramm’de raisins de Corinthe (raisins de Corinthe)
Deux cent cinquante gramm’de graisse de rognon de bœuf,
et cent vingt gramm’de mie de pain émiettée (de pain émiettée)
Soixante gramm’de sucr’en poudre ou de cassonade ;
un verr’de lait ; un demi verr’de rhum ou d’eau-de-vie ;
trois œufs ; un citron !
muscade, gingembre, cannell’ en poudre, mélangés (en tout la moitié d’une cuillère à café) ;
sel fin la moitié d’une cuillère à café.
2. Queues de boeuf
La queue de bœuf n’est pas un mets à dédaigner.
D’abord avec assez de queues de bœuf
on peut fair’un pot au feu passable.
Les queues qui ont servi à faire le pot-au-feu peuv’nt être mangées, panées, et grillées, et servies avec une sauce piquante ou tomate.
La queue de bœuf n’est pas un mets à dédaigner.
3. Tavouk Gueunksis
Tavouk Gueunksis, poitrine de poule ;
Faut’bouillir une poul’ ;
dont vous prendrez les blancs ;
vous les pillerez de façon à ce qu’ils se mett’en charpie.
Puis mêlez-les, mêlez-les avec une bouillie, comme celle ci-dessus, comme celle ci-dessus du Mahallebi.
Tavouk Gueunksis, poitrine de poule ;
4. Civet à toute vitesse
Lorsqu’on sera très pressé,
voici une manière de confectionner un civet de lièvre que je recommande !
Dépecez le lièvre comme pour le civet ordinaire :
mettez-le dans une casserole ou un chaudron avec son sang et son foie écrasé !
Un’demi livre de poitrine de porc (coupée en morceaux) ;
une vingtaine de petits oignons (un peu de sel et poivr’) ;
un litre et demi de vin rouge.
Fait’bouillir à tout’vitesse,
fait’bouillir à tout’vitesse.
Au bout de quinze minutes environ,
lorsque la sauce est réduite de moitié,
approchez un papier enflammé,
de manière à mettre le feu au ragoût.
Lorsqu’il sera éteint,
liez la sauc(e) avec un’demi livre de beurre manié de farine… Servez.
Ces quatre recettes d’Emile Dumont mises en musique en 1949 par Leonard Berstein ont récemment été magistralement interprétées par la divine et pétillante soprano colorature Patricia Petibon dans son album « Les Fantaisies de Patricia Petibon », publié en 2004 !
Et voici le civet à toute vitesse interprété par Patricia Petibon :
Mais revenons à nos fourneaux, car Emile Dumont ne donne pas que des recettes dans son ouvrage mais également des conseils sur l’équipement et l’entretien de la cuisine, sur le choix des denrées, sur la composition des repas et le service, et même de diététique !
Le bon choix du fourneau économique…
Voici ce qu’en dit Emile…
Je suis, et l’expérience m’a convaincu que j’étais dans le vrai, pour les FOURNEAUX ECONOMIQUES. (Voir gravures…).
Je sais tout ce qu’on a pu dire contre.
Les rôtis y sont moins bons.
Je répondrai péremptoirement qu’il y a des fourneaux économiques qui remédient à cet inconvénient. Dans tous les cas on peut avoir une coquille.
Maintenant passons aux avantages.
Ces appareils présentent une économie incontestable ; d’abord il n’y a qu’un seul feu à entretenir, par suite moins de surveillance et de peines ; il suffit d’éloigner ou de rapprocher les casseroles du foyer suivant que l’on veut une cuisson plus ou moins rapide ; le même feu vous entretient d’eau chaude, vous fournit four, étuve, une étuve excellente qui sert de chauffe-assiettes et encore à conserver la chaleur aux mets une fois préparés en attendant qu’on les porte sur la table.
Les cuisinières, qui n’ont pas l’habitude des fourneaux économiques, ont peut-être du mal à s’y mettre mais une fois bien au courant elles n’en veulent pas d’autres.
Il faut les prendre assez grands. Il n’y a pas avantage à les avoir petits, ces derniers consomment autant de combustible et sont incommodes parce qu’on ne peut y confectionner qu’un nombre restreint de plats.
MAIS IL FAUT LES PRENDRE A FOYER DE PETITE DIMENSION.
J’en ai vu d’excellent système, à foyer circulaire, brûlant peu de charbon ou de bois et qui permettaient cependant de préparer jusqu’à dix à douze mets différents.Emile Dumont, La bonne cuisine, manuel économique et pratique (Ville et Campagne), pp.22-23, Paris, Alfred Degorge éditeur.
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La cuisine c’est ma passion, je cherche quelques nouvelles idées pour de nouvelles recette donc je me permet de visiter quelques blogs
On apprend pas mal de chose grâce à votre article. La queue de bœuf, j’ai jamais pensé cuisiner ça un jour, mais la ça me tente. Merci pour ce partage.
j ai ce livre et il est vrai qui l y a pas mal de rectte interessante dedans