Le guide culinaire d’Auguste Escoffier (& al. …)
Bonne surprise ce matin !
En ouvrant la boite aux lettres, j’y ai découvert le Guide culinaire d’Auguste Escoffier dans sa quatrième édition de janvier 1921, rééditée intégralement par Flammarion en juin 2006 !
Il faut dire que j’avais eu la bonne idée de le commander la semaine dernière !
Nota pour les anglophones : ce livre existe également en version anglaise…
De l’Aide mémoire au Guide !
J’ai eu l’idée de m’offrir ce guide en feuilletant l’Aide mémoire culinaire, écrit par le même auteur en 1919 et réédité en octobre 2006 par Flammarion… Chantal, ma chère et tendre, a en effet eu la bonne idée de m’offrir cet aide mémoire, il y a quelques semaines… Celui-ci m’a séduit et, d’un format 18 x 11,5 x 2,5 cm et 360 pages, il est bien pratique car on peut presque l’avoir toujours sur soi en le glissant dans une (grande) poche ! En tout cas désormais, je l’ai toujours près de moi !
Mais, comme son nom l’indique, ce petit livre rédigé par Auguste Escoffier à l’intention des cuisiniers, maîtres-d’hôtel et garçons de service pour leur rappeler l’essence de ce qui se cache derrière un nom inscrit au menu, est un pense-bête et non un recueil de recettes ! Par contre, vous verrez : si vous vous plongez dans l’Aide-mémoire, vous aurez très vite envie d’acheter le Guide pour en savoir plus sur les milliers de noms, plus alléchants les uns que les autres, qui y sont cités !
Suivez le Guide !
Bon, je ne vous le cache pas, ce guide, fidèle reproduction de l’édition de 1921, est assez austère (aucune illustration à part celle de première de couverture reproduite ci-contre) et il faut avoir un petit minimum de notions de cuisine pour l’utiliser, par exemple, le four électrique thermostaté n’existait pas en 1921 ! Il ne faut donc pas s’attendre à y trouver une indication du type « 2 h à four thermostat X (tant de °C) » mais plutôt “2 h à four très vif, vif, moyen ou doux…”.
Par contre, ce livre imposant (25,5 x 18 x 5 cm et 960 pages) évoque 5.000 recettes de la grande cuisine française, expliquées simplement, sobrement et précisément par Auguste Escoffier, ce chef illustre de la fin du XIXième et du début du XXième siècles reconnu unanimement comme un des plus grands représentants de la gastronomie française et le précurseur de notre cuisine moderne !
Mais voilà, par déformation scientifique, je suis comme saint Thomas !
Et donc, modeste vermisseau, je me suis néanmoins permis de faire quelques vérifications pour évaluer la “robustesse” de la bible du grand maître, à la lueur de ce que m’avait enseigné ma Maman Germaine et ma Tante Julienne, ou de ce que j’ai appris, au fil du temps, en déjeunant par-ci par-là de temps en temps depuis 40 ans dans de bons restaurants… Et bien le guide d’Auguste Escoffier mérite une mention très honorable même s’il y a parfois des interprétations pas toujours fidèles aux us locaux !
Un exemple : la salade niçoise.
Pour Auguste Escoffier : haricots verts blanchis à l’eau bouillante et pommes de terre cuites à l’eau puis coupées en dés, en proportions égales, avec des petites tomates coupées en quartier, le tout décoré de câpres, d’olives et d’anchois et arrosé de filets d’huile et de vinaigre…
Mme Schéfer et Mlle François dans leurs « Recettes de cuisine pratiques », revues et augmentées par MmeBélime-Gauthier, reprennent la même base que Auguste Escoffier, avec la bonne idée d’ajouter un peu de cerfeuil et d’estragon hachés pour finir le tout !
Les Niçois de souche doivent crier au scandale car, pour eux, une vraie salade niçoise n’utilise que des « crudités crues » : exit les pommes de terre et les haricots blanchis ! Les ingrédients fondamentaux : tomates mûres et fermes, petit poivron vert, cébettes ou oignon blanc, riquette ou mesclun, œufs durs, thon au naturel, filets d’anchois dessalés, olives noires et selon la saison : très petits artichauts poivrade, févettes du pays, cœur de céleri, jeune concombre… et du basilic ciselé en option !
Bon, mais en tous cas, à ces petites originalités près, les recettes de Auguste Escoffier ou de Mme Schéfer et Mlle François, n’ont rien à voir avec les salades de riz composées que l’on trouve ici et là sous l’appellation de salade niçoise au menu de certains restaurants et dans différents recueils de cuisine, y compris celui de « la cuisine traditionnelle de Tante Marie » ! Auguste Escoffier décrit plusieurs de ces salades composées à base de riz sous le nom de salade orientale, salade des Nonnes, salade Lakmé, salade Carmen, salade à l’Andalouse, …
Même si elles sont délicieuses, ces salades, de riz, ne méritent évidemment le qualificatif de niçoise que lorsqu’elles sont concoctées dans la ville de Nice !
Et, en plus, tenez-vous bien !
Vous avez certainement l’habitude de découvrir dans des revues ou sur le ouaibe des recettes alléchantes qualifiées d’innovantes dans une rubrique du genre “New !!!!! : Le top ten des meilleures recettes chébrans…”; et bien j’ai été franchement surpris de voir que, pour bon nombre de telles recettes que l’on pense “new-look”, Auguste Escoffier et son équipe les pratiquaient déjà, dans leur esprit essentiel, il y a plus de cent ans !
Bref… Ce Guide d’Auguste Escoffier est vraiment une très grande référence si l’on veut s’exercer aux grandes recettes de la cuisine française, des plus simples aux plus élaborées mais dans tous les cas d’une très grande qualité, et je vous le recommande donc chaudement !
Quand vous l’aurez tous lu, prévenez-moi : Je songerai à faire hara-kiri à « la recette du dredi » !
Je me permet quelques petites corrections car j’ai moi même un exemplaire dédicacé d’Auguste Escoffier de son aide mémoire culinaire édité Ernest Flamarion Editeur en 1918 et non 1921 ou dans son avant-propos il replace très justement la cuisine à sa vraie place par rapport à la « guerre abobinable que l’Europe venait de subir ». En fait nous avons eu ce livre récement et j’ai été étonné en tant que modeste épicurien de voir comment cet aide-mémoire était terriblement moderne, j’ai eu l’oeil amusé par ses recettes de coktails déjà en 1918 et ce après comme il le dit lui même 56 années d’expérience pour aporté tout son savoir aux cuisiniers futurs. En fait il a commencé le guide culinaire en 1902 dans une forme qui en fait était plus l’aide mémoire que le guide lui même.
J’espère que ma modeste correction vous aura apporté un peu plus d’éclairage sur cette oeuvre.
Cordialement
Désolé, à la fois pour le retard de ma réponse (que je dois à la défaillance de mon fournisseur d’accès internet, puis à l’agonie de mon ordinateur vieux de 6 ans…, puis de l’arrivée de Windows Vista à la place de XP… et à la vérification que j’ai menée entre tous ces déboires…) mais je ne connais pas d’édition du guide culinaire ou de l’aide mémoire culinaire d’Auguste Escoffier en version éditée en 1918… Si vous en avez une certifiée, elle a certainement grande valeur…
De ce que je sais par les préfaces d’Auguste Escoffier et de son arrière petit-fils Michel à partir des ouvrages ré-édités dont je dispose, et de données du web, Auguste Escoffier :
- s’est lancé dans la publication de son « Guide culinaire – Aide mémoire de cuisine pratique - » en 1898 ; il s’agissait d’un recueil surtout destiné aux professionnels de la restauration, ouvrage terminé et préfacé par lui-même en novembre 1902 et apparemment publié dans sa première édition en 1903,
- a produit une deuxième édition du Guide culinaire, revu, enrichi, simplifié et actualisé et qu’il acheva pour sa part par une préface du 1er février 1907.
Une troisième édition du Guide culinaire, revue, modernisée et avec une refonte complète de la table des matières, a eu lieu en mai 1912 ; pour compenser l’augmentattion de volume de cette troisième édition, la liste des menus qui figurait dans les deux premières éditions a été supprimée et a fait l’objet d’un ouvrage spécial publié en même temps…
- et c’est ainsi qu’en 1912, fut également publié le « Livre des menus » d’Auguste Escoffier, à l’attention des professionnels, avec la troisième édition du Guide culinaire ;
- en 1919, il publie l’Aide mémoire culinaire, destiné au personnel de salle de la restauration, qui a été réédité en 2006 par Flammarion dans sa version 1919 intégrale, à l’occasion des 160 ans de la naissance d’Auguste Escoffier (1846- 1935) ; selon Auguste Escoffier, cette aide-mémoire était l’ouvrage qu’il avait voulu réalisé en premier avec son « Guide culinaire – Aide mémoire de cuisine pratique - » imaginé dans ses jeunes années, entre les années 1870 et l’année 1898, mais pour lequel, selon lui, ses collaborateurs et relecteurs l’avait poussé à en rajouter toujours plus… pour arriver au guide…
- en 1921, avec une préface de janvier 1921, paraît la quatrième et dernière édition du guide culinaire, revue, modernisée et « simplifiée… sans en altérer le principe fondamental » – pour tenir compte des nouvelles donnes et exigences apportées à la cuisine moderne – de l’époque – « par cette pénible période d’après guerre » ; c’est cette édition republiée par Flammarion en juin 2006 qui est évoquée ci-dessus dans l’article de mon blog…
- puis enfin, Auguste Escoffier produisit un an avant sa mort, en 1934, ‘Ma cuisine » publiée à l’attention des cuisiniers et maîtresses de maison.
Voilà personnellement ce que je sais, en m’appuyant sur les sources éditoriales et de la famille Escoffier dont je dispose…
Ceci étant précisé, le Guide culinaire d’Auguste Escoffier est effectivement à la fois étonnant de tradition et de modernité dans la quatrième édition 1921 dont je dispose et qui a été rééditée intégralement par Flammarion en 2006… sans illustrations.
Le Guide culinaire n’est pas d’Auguste Escoffier, mais d’Escoffier, Philéas Gilbert et Emile Fetu.
Merci Hervé This pour cette précision judicieuse, qui montre votre passion scientifique de la gastronomie que j’admire !, et qui m’éclaire sur un point qui m’avait surpris en découvrant la récente ré-édition du Guide culinaire !
J’étais en effet étonné par le “nous” employé par Auguste Escoffier dans la rédaction de ses introductions des deuxième, troisième et quatrième éditions du guide… Escoffier avait-il coutume de parler de lui à la première personne du pluriel ?
Mais, suite à votre remarque, en relisant le début de l’avant-propos de la première édition du Guide culinaire de 1902, j’ai effectivement constaté qu’Auguste Escoffier cite Philéas Gilbert et Emile Fétu pour leur précieuse collaboration à l’ouvrage et les remercie pour leur ténacité persévérante qui permit de mener à bonne fin cette colossale besogne !
Si l’on en croit les mentions données par les vendeurs d’exemplaires des éditions anciennes sur le net, il semble que les 4 éditions originales du guide mentionnaient explicitement ces trois co-auteurs… Mais dans la ré-édition 2006 de Flammarion, si le nom ESCOFFIER apparaît bien visible en haut de la première de couverture… aucune mention de la liste complète des auteurs n’est faite de manière explicite !
Bonjour,
La remarque d’Hervé est importante historiquement et intellectuellement.
Le titre porte, dans les premières éditions (1907 et 1912, que j’ai sous les yeux (l’édition originale est de 1903 et non 1902)), l’indication « Par A. Escoffier avec la collaboration de MM. Philéas Gilbert et Émile Fetu ».
Or, nous constatons que la lecture de l’histoire, quelque peu sédimentaire, ne retient que le premier nom, il est bien de rappeler les autres.
D’autre part, Auguste Escoffier place en exergue cette phrase : « Nous plaçons ce livre sous le patronage posthume de Urbain Dubois et Émile Bernard, en témoignage de notre admiration pour ceux qui, depuis Carême, ont porté le plus haut la gloire de l’Art Culinaire ».
Cette phrase, louangeuse, prend tout son sens quand on sais qu’Urbain Dubois fut apprenti de Carême et Escoffier apprenti de Dubois. Un siècle…!
Cordialement,
Bernard.
Je me permet peut-être une interprétation un peu libre sur la question de la salade niçoise De M. Escofffier. Je ne pense pas que ce dernier ignorait la recette officiel de cette salade mais plutôt que beaucoup de niçois n’arrive pas à concevoir qu’Escoffier ne cuisinait pas pour une clientèle populaire mais bien pour des gens fortunés qui n’auraient sans doute pas vraiment compris la raison d’une salade servi trop simplement surtout en comparaison de bien des salades composées présentes dans le guide culinaire.
Il y a aussi d’autres recettes interprétées très librement surtout quand il s’agit de plats étranger, je peux citer en exemple le potage Mille-Fanti qui dans le guide culinaire n’est rien de plus qu’une Stracciatella Napolitaine alors que les Mille-Fanti sont de petites pâtes à base de semoule de blé dur, de parmesan et de persil servi dans un consommé de volaille ou de veau.
Mais cela bien entendu n’enlève rien à la valeur de ce livre que je lis et utilise très souvent même si en le lisant le soir, il a tendance à donner faim en plus de donner des idées.
Merci Uzz pour cette interprétation et ces constats qui me semblent tout à fait pertinents !
Et je confirme que, si on veut surveiller sa ligne, il faut user modérément de la lecture du Guide culinaire pour essayer de s’endormir le soir !
Bonne journée !