Barigoule : agaric, lactaire ou pleurote ?

La semaine dernière, j’ai fait des artichauts poivrades à la barigoule… Recette que je vous livrerai je pense dès vendredi prochain… C’est de saison et en plus c’est drôlement bon !

Mais, évidemment, curieux comme je suis, j’ai voulu savoir ce que signifiait ce « à la barigoule »…

Que me dit le Trésor de la Langue Française informatisé, mon dictionnaire élétronique adoré ?

« BARIGOULE, subst. fém : Région. (Provence). BOT. Champignon comestible du genre agaric. Synon. lactaire délicieux. Empr. au prov. berigoulo, barigoulo, nom de divers champignons comestibles, en partic. de l’agaric du panicaut ou oreille de chardon (1716, bouligoulo à Aix-en-Provence d’apr. Garidel dans ROLL. Flore t. 11, p. 145; 1785 brigoulo, bérigoulo dans les Cévennes, ibid.; barigoulo à Marseille, ibid.). »

Et aussi « ART CULIN. À la barigoule. Manière d’apprêter les artichauts en remplaçant le foin par une farce à base de champignons et d’oignons, et en les faisant cuire dans l’huile. Artichauts à la barigoule : (…) vous les placerez dans un chaudron où il y aura de l’eau bouillante; laissez-les blanchir (…) prenez ensuite de la friture bien chaude, vous y mettrez les artichauts (…) vous ajouterez dans une casserole un quarteron de lard râpé (…) beurre (…) huile (…) champignons… A. VIARD, Le cuisinier royal, 1831, p. 361. ». Il est fait référence aussi à une recette d’artichaux à la Barigoult figurant dès 1742 dans le tome II du DONS DES COMUS, que j’ai retranscrite intégralement litéralement ici tant elle vaut son pefant d’or ! :D

Là j’ai trois problèmes… Le premier, c’est que pour moi, agaric, c’est soit le nom courant donné aux psaliottes comme l’agaric champêtre, grosso modo le champignon de Paris « sauvage » et ses proches cousins, soit un nom plus générique donné aux champignons avec un pied bien formé, un chapeau et éventuellement un anneau, abritant des lamelles libres du genre justement des psaliottes, des amanites, des coprins, etc. Mais les lactaires, franchement, qui, avec leur lamelles bien adhérentes au chapeau se rapprochent plutôt des russules, des girolles ou des trompettes de la mort, je ne les considère pas vraiment comme des agarics… Et puis, en agitant mes vieux souvenirs mycologiques, deuxième problème : le lactaire délicieux l’est-il vraiment autant que cela et est-il vraiment provençal ? Et le troisième, cette histoire de panicaut ça me fait plutôt penser à autre chose qu’à un lactaire ou à une psalliote…

Bon je vérifie agaric dans le TLFI… Voilà ce que ça donne : AGARIC, subst. masc. BOT. Genre de champignon (famille des Basidiomycètes) comportant de nombreuses espèces comestibles ou vénéneuses, répandu dans les lieux humides, caractérisé par un pédicule distinct, parfois pourvu d’un anneau, et par un chapeau portant à sa face inférieure de multiples feuillets sporifères, simples, rayonnants, généralement libres.

Bon ça me conforte dans mon idée, cette histoire des feuillets libres… Mais allons voir les ouvrages spécialisés en l’occurrence, ma bible de mycologie pratique et de cueillette des champignons, i.e. le « Romagnesi« , Petit atlas des champignons – trois volumes quand même ! – édition 1970…

Je cherche barigoule dans l’index des noms français communs… Je trouve trois renvois (burp…) avec des noms communs approchants : le lactaire délicieux (Lactarius deliciosus), le lactaire sanguin (Lactarius sanguifluus) et la pleurote du panicot ou panicaut ou panicault (Pleurotus eryngii)…

Pour les lactaires délicieux et sanguin, ce cher Henri Romagnési cite les noms suivants se rapprochant de barigoule : barigoula, barigoule, berigoula… Et pour la pleurote du panicot : beigoule, bérigoula, bérigoule, bérigoul, bouligoule, boulingoulo, bridoulo, brigoule, brigoulo, grigoulo, ginboule, ginboulet et gerboulot de panicot…

Bon l’origine de la barigoule semble effectivement méridionale… mais dans le midi on trouve à la fois ces deux lactaires et la pleurote du panicot… Cependant, a priori, le surnom exact de barigoule, il n’y a que les lactaires qui le porte et pas la pleurote…

Et là, ça me rappelle une recette de conserve de lactaires que me décrivit il y a 35 ans Guy Z. mon déjà « chef de » préféré et néanmoins ami, Guy Z., et qui l’est resté après 25 années de travail ensembles ! Originaire de Nice, sa mère y tenait un petit restaurant populaire, ayant pris le relais de sa propre mère, elle même arrivée d’Italie par Vintimille dans son landeau avec ses parents, vers 1860, à une époque ou il n’y avait pas encore de train dans le coin que l’on pouvait bloquer… Las, n’ayant jamais trouvé de lactaires adéquats en forêt de Fontainebleau, je ne fis jamais cette recette…

Mais par contre, sur l’origine de « à la barigoule », je sentais que je tenais le bon bout… La Barigoult ou la barigoule n’est pas le surnom d’une célèbre chef cuisinière provençale mais fait allusion à un lactaire à sang rouge !

Mais une question subsiste : la barigoule est-elle sanguine ou délicieuse ?

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