Bovins : la race Raço di Biòu
Race autochtone de Camargue, rustique et semi-sauvage, la Raço di Biòu participe à la conservation de l’écosystème très particulier du delta du Rhône et, de temps en temps, devient la star de festivités camarguaises !
Accessoirement et occasionnellement, elle donne aussi une viande de qualité qui puise dans sa terre ancestrale, sauvage, humide et salée, tout le tempérament qui la caractérise et qui est reconnue par l’appellation d’origine contrôlée « Camargue » : la première AOC attribuée en Europe à une viande bovine !
- Dénomination
Nom français : Raço di Biòu (signifie race de bœuf en Provençal et se prononce raço di bi-o-ou).
Nom international : Camargue.
Autres noms : Camargue, Taureau de Camargue.
- Données sur la race
Type : race à viande.
Code type racial : 37.
Origine et histoire : les origines de cette race sauvage, autochtone de la Camargue depuis fort longtemps, sont incertaines… car même si sa physionomie fait penser à celle de l’aurochs d’Europe sa taille beaucoup plus petite (125 cm au garrot pour le mâle contre 180 à 200 cm pour le mâle aurochs) montre qu’il en est un lointain et non un proche descendant ! Est-ce un descendant de Bos taurus Asiaticus venu avec les invasions barbares au VIème siècle ? ou un descendant de Bos primigenius Mauritanicus, espèce d’aurochs qui peuplait le nord de l’Afrique, il y a très longtemps, et qui serait arrivé en Camargue on ne sait trop comment ? Mystère…
Toujours est-il que ce petit bovin sauvage peuple la Camargue depuis fort longtemps… Le plus ancien témoignage historique en est sa participation à des « jeux taurins » organisés à Arles en 1402 en l’honneur de Louis II, roi de Naples, comte de Provence et duc d’Anjou. Ces bovins furent ponctuellement utilisés comme bêtes de trait attelées mais ils étaient surtout appréciés et recherchés pour leur viande qui servait notamment pour la confection de saucissons. Dès le XVlllème siècle, des troupeaux de Raço di Biòu sauvages étaient rassemblés et contrôlés pour être conduits vers les abattoirs arlésiens par des gardians (nom provençal des cavaliers conduisant des troupeaux de chevaux ou de bovins sauvages, troupeaux appelés manades en provençal) ; sur le parcours, la population attendait le cortège et cherchait à attraper les bovins pour jouer avec eux. Dans les années 1890, les manadiers qui exploitent ces troupeaux semi-sauvages de Raço di Biòu prennent conscience que la combativité et la morphologie de ces animaux les prédisposent plus au jeu et à la course qu’au travail ou à la production de viande… Et c’est à partir de ce moment, que les pratiques ancestrales de jeu qui étaient pratiquées lorsque les bêtes étaient menées à l’abattoir sont réglementées et « officialisées » pour donner lieu aux exhibitions et au jeux taurins toujours pratiqués aujourd’hui lors de fêtes ou de spectacles locaux :
- la ferrade où des gardians à cheval isolent, un par un, les veaux d’une manade, les conduisent à part et les font tomber en les poussant au niveau des hanches avec leur trident pour que des gardians à pied les attrapent et les immobilisent de manière à ce que le manadier imprime au fer la marque de la manade sur la fesse gauche du veau ;
- l’abrivado où quelques bœufs, encadrés de près par des gardians à cheval, courent au galop depuis leur lieu de pâturage jusqu’à l’arène et à travers la ville, des hommes à pied essayant de faire échapper les bovins en rompant la barrière des gardians à cheval enveloppant les bœufs ;
- l’encierro : lâcher libre de bœufs dans un espace urbain fermé, le but étant de les faire entrer dans un enclos attenant à l’arène ;
- la course à la cocarde qui se déroule en arène et où les raseteurs habillés de blanc cherchent à arracher à l’aide d’un petit crochet, le raset, une cocarde placée sur le front d’un bœuf,
- la bandido ou des paires de gardians à cheval entourent de près chacun un bœuf, pour reconduire les bêtes au galop de l’arène à leurs pâturages ; aujourd’hui, les bêtes ainsi raccompagnées ne sont pas celles qui ont participé à la course à la cocarde.
Contrairement aux corridas où les taureaux Brava de combat sont mis à mort, les bœufs Raço di Biòu de plus de 3 ou 4 ans participant à ces courses et jeux camargais ne sont jamais tués et, tant qu’ils sont de bon compétiteurs, ils participent aux jeux et aux courses avant de finir tranquillement leur vie dans leur manade en participant à l’entretien des marais et des sansouïres du Parc Naturel Régional de Camargue (les sansouïres sont de vastes étendues inondables et salines dans lesquelles poussent uniquement différentes espèces de salicornes : salicorne à gros épis, salicorne ligneuse, soude, saladelle…
Livre généalogique : oui, créé en 1999.
Apport d’autres races : de 1950 à 1980, 5% des saillies ont été réalisées par des taureaux Brava en provenance d’Espagne.
Diffusion outre France : aucune mais cette race a été utilisée par les frères Heck dans leur tentative de « reconstitution » de l’Aurochs disparue…
Organisme responsable de la race : Association des Manadiers de taureaux camarguais, 2 rue Babinot, 30220 Saint-Laurent-d’Aigouze.
Reconnaissance par le Ministère français en charge de l’Agriculture : oui, en tant que race locale (plus de 30% de génitrices dans un seul département ou de 70% de génitrices dans 3 départements adjacents).
Considérée par la FAO comme : race sauvage.
Maintien et protection : non en danger et non maintenue.
- Répartition et cheptel
Répartition géographique : dans le Parc Naturel Régional de Camargue dans le delta du Rhône, dans un triangle compris entre le littoral au sud, Montpellier à l’ouest, Fos-sur-Mer à l’est et Tarascon au nord ; une zone de transhumance hivernale s’étend plus au nord, sur les garriques des Alpilles et les premiers contreforts des Cévennes.
Adaptation climatique : parfaite adaptation au climat camarguais et aux terrains marécageux et salés.
Cheptel français : estimé en 2005 par le BRG à 6.000 têtes (dont 100 reproducteurs et 2.000 reproductrices, toutes enregistrées, inscrites au Livre Généalogique et reproduisant en race pure) mais ce nombre a été sous-évalué car le nombre affiché par les manadiers, le Parc Naturel Régional de Camargue et la Base de Données Nationale d’Identification et de traçage des bovins du Ministère en charge de l’Agriculture est plutôt de 20 à 22.000 têtes ! Ces animaux forment environ 150 manades dont la plupart sont constituées d’au moins cent bêtes.
- Morphologie et stature
Aspect général : animal longiligne et de petite taille, avec une encolure mince et allongée, un profil dorsal rectiligne, le garrot étant plus haut que le croupe, une musculature arrière peu développée et des hanches étroites et saillantes.
Hauteur au garrot à l’âge adulte : environ 125 cm pour le mâle et 115 cm pour la femelle.
Poids à l’âge adulte : environ 400 kg pour le mâle et 250 kg pour la femelle.
- Aspect
Robe : unicolore noire ou brun foncé avec des « bottes » saurées (jaune ou brun rougeâtre).
Peau et muqueuses : peau noire et muqueuses foncées.
Tête : forte avec un front étroit et déprimé, de gros yeux vifs et saillant et non bordés de larges sourcils comme le taureau de combat Brava.
Cornes : en lyre, très longues, grises foncées et fortes à la base, blanc crème dans la partie médiane et fines et noirâtres aux extrémités.
Membres : fins avec une musculature beaucoup plus développée à l’avant qu’à l’arrière, la cuisse longue s’appuyant sur des jarrets bien d’aplomb .
Queue : mince et attachée très bas avec un long toupillon de crins denses et noirs allant jusqu’au bas du jarret.
- Ses qualités
C’est un bovin très rustique, de petite taille et au squelette léger mais très athlétique, très bon coureur et endurant à la marche sur terrains marécageux ; il est fait pour la vie à l’état sauvage ou semi-sauvage en troupeau et est la seule race bovine d’Europe à pouvoir vivre sur des terres salées. La gestion du cheptel repose sur la sélection de mâles et de femelles reproducteurs qui pérennisent la race (il n’est possible de conserver qu’un taureau par troupeau du fait des combats entre mâles) et d’autres mâles choisis pour leurs aptitudes aux jeux camarguais et qui sont castrés vers l’âge de trois à quatre ans, avant de participer aux courses et aux exhibitions ; les autres animaux sont destinés à la filière viande, cette vocation étant considérée comme annexe par les manadiers.
Qualités bouchères : la Raço di Biòu partage avec les taureaux Combat français et les croisements entre ces deux races, l’AOC « Taureau de Camargue » ; la viande a des caractéristiques particulières liées aux conditions d’élevage en liberté de ces animaux athlétiques dans de vastes espaces sauvages à la végétation particulière du delta du Rhône : la viande, très peu grasse et à grain fin, est d’un rouge vif et très goûteuse. La reconnaissance du « Taureau de Camargue » en tant qu’appelation contrôlée a été la première attribuée en Europe à une viande bovine. Pour en bénéficier, les animaux doivent être nés et avoir été élevés, abattus et découpés en Camargue, être répertoriés au livre d’inventaire des cheptels, disposer d’une surface minimale de landes et de prairies de 1,5 ha par animal, pâturer pendant six mois de l’année en zone humide, la pâture pouvant être complétée en hiver avec du foin et des céréales de la zone ; les animaux qui se produisent en manifestations taurines sont exclus de l’AOC. La promotion de la viande bovine du Raço di Biòu ne vise cependant pas une production accrue de leur viande ou un développement plus grand du cheptel à cette fin, l’objectif du semi-élevage visant essentiellement les jeux et la pérennisation de la race.
Qualités laitières : la maigre production de lait est utilisée par les veaux, d’ailleurs, vu son caractère semi-sauvage, il y a peu de gens qui se risquent à aller traire une Camargue !
Qualités reproductrices : les vaches vèlent et élèvent leur veau sans aucune assistance.
Autres qualités : le caractère joueur et athlétique de la Raço di Biòu en font la vedette des spectacles festifs taurins camarguais ; cette race contribue en outre à l’entretien des zones marécageuses et pauvres du delta du Rhône et joue dans ce cadre un rôle important dans le maintien durable de l’écosystème très particulier de cette zone et de nombreuses espèces animales et végétales très particulières qui y vivent. Que ce soit au spectacle où dans son habitat naturel, il constitue par ailleurs un intérêt touristique certain et valorise ainsi remarquablement les terrains difficiles du delta du Rhône.
Des taureaux, des chevaux blancs, des hommes… La Camargue…
Si vous avez, cinq minutes devant vous, ne ratez pas cette superbe vidéo d’Alain Bonnet pour Télé Miroir (Chaîne de télévision locale de Nîmes et sa région) où l’on voit comment s’y prennent les manadiers et les gardians pour procéder au tri de bovins Raço di Biòu et Combat (les gris-marron-blanc tachetés de la fin de la séquence !) !
- Pour en savoir plus…
- La première des page relatives à la Raço di Biòu du Parc Naturel Régional de Camargue,
- La seconde page relative à la Raço di Biòu du Parc Naturel Régional de Camargue,
- La fiche relative à l’AOC Taureau de Camargue,
- La page sur la Raço di Biòu de l’Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement,
- La page de données sur la Raço di Biòu du Bureau de Recherches Génétiques, organisme gouvernemental français.
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Bonjour,
Je souhaiterais connaitre quels sont les défauts (anatomiques, morphologiques, physiologiques…) de la race Raço Di Biou.
Merci par avance pour votre réponse.
Lucie HERVE