Bovins : la race Abondance

Cette race bovine rustique et fromagère aux origines pré-médiévales était appelée Chablaisienne jusqu’à la fin du XIXème siècle…

Troupeau d’Abondance dans un pâturage de Haute-Savoie.

… puis elle a changé de nom au profit de celui d’Abondance pour sa première présentation au Concours général agricole de Paris, en 1896. Et bien, ce que l’on peut dire, c’est que l’Abondance mérite bien son nouveau nom car elle nous procure des plateaux de fromages hors-pairs (de cornes, of course…).

    Dénomination

Nom français : Abondance.
Nom international : Abondance.
Autres noms : Chablaisienne, Pie Rouge Française de Montagne.

    Données sur la race

Type : race mixte.
Code type racial : 12.
Origine : race ancienne, rustique et autochtone de Savoie, issue du rameau Pie rouge des montagnes, comme la Montbéliarde et la Simmental, autres races mixtes et la Charolaise, race à viande renommée… Elle est originaire de la vallée de l’Abondance à qui elle doit son nouveau nom et qui est située dans le Chablais, région de Haute-Savoie située entre le lac Léman et le Mont Blanc. L’arrivée des ancêtres de l’Abondance s’est faite avec les tribus Burgondes qui s’y sont installé vers le Vème siècle puis s’y sont maintenues dans une indépendance presque totale durant toute la période féodale ; ce sont cet isolement et les épreuves de la vie en montagne qui ont contribué au développement des spécificités de la race. Après la création, au début du XIIème siècle des abbayes d’Abondance et de Saint-Jean-d’Aulps, « filiales » de l’abbaye Saint-Maurice-d’Agaune, les moines chablaisiens ont sélectionné et amélioré le bétail pour en obtenir un lait riche destiné à fabriquer un fromage de qualité dont ils détenaient le secret. Et, en 1381, les moines d’Abondance, fournisseurs officiels en fromage du même nom de l’antipape Clément VIII, livrèrent ainsi 15 quintaux de fromage d’Abondance au conclave d’Avignon, lançant ainsi la première grande opération internationale de promotion du fromage d’Abondance dont la fabrication s’est perpétué jusqu’à nos jours avec ses bonnes vaches à la belle robe et aux lunettes rouges qui nous cèdent leur lait pour le fabriquer !
Livre généalogique : oui, créé en 1894.
Apport d’autres races : après quelques essais peu concluants d’importation de gènes Pie Rouge d’Europe Centrale dans les années 1970, une fécondation par des Red Holstein en provenance des USA a eu lieu de 1982 à 1988 pour augmenter les performances laitières ; par ailleurs le maintien d’une reproduction en race pure auquel on est revenu aujourd’hui pose problème car la consanguinité de la race Abondance devient élevée, la variabilité génétique baisse et 2 lignées, celle du taureau Bizarre et celle du taureau Amiens n’ont plus donné de taureaux agréés en testage depuis 1985…
Diffusion outre France : en 1976, de jeunes reproducteurs Abondance ont été utilisés en croisement sur race Hereford et Simmental dans les Montagnes Rocheuses du Canada pour renforcer la robustesse de ces cheptels ; à la fin des années 1970, un programme de croisement a été mené en Côte d’Ivoire avec des N’Dama : 203 « N’Damances » ont été obtenues avec un triplement des performances laitières et une augmentation conséquente du poids des animaux sans altérer leur résistance aux maladies tropicales ; enfin, depuis 1996, l’Union des Coopératives d’Elevage Alpes Rhône mène en Egypte un programme de croisement qui a donné naissance à près de 10.000 « Baladi-Abondance », avec une croissance améliorée de près d’1/3 et une production laitière doublée.
Organisme responsable de la race : UPRA Abondance – 52 avenue des Iles, BP 9016, 74990 Annecy Cedex.
Reconnaissance par le Ministère français en charge de l’Agriculture : oui, en tant que race locale (plus de 30% des génitrices dans un seul département ou de 70% des génitrices dans 3 départements adjacents).
Considérée par la FAO comme : race améliorée.
Maintien et protection : non en danger et non maintenue.

    Répartition et cheptel

Répartition géographique : région Rhône-Alpes et Massif-Central et également, en moins grand nombre, dans les Pyrénées et les Vosges.
Adaptation climatique : milieux montagneux.
Cheptel français (données BRG 2005) : environ 145.000 dont environ 1.000 reproducteurs (20% reproduisant en insémination artificielle) et 55.000 reproductrices (dont 15.500 inscrites au Livre Généalogique). Environ 75% des femelles reproduisent en race pure. Même si elle arrive aujourd’hui en 4ème position des races pour la production française de lait, son effectif a cependant décliné de moitié depuis les années 1970, sous l’effet combiné de la concurrence de la Prim’Holstein et de l’exode rural des régions de montagne. Elle subit également une rude concurrence de la part de la Monbéliarde qui occupe de plus en plus les pâturages de basse-montagne…

    Morphologie et stature

Aspect général : longiligne de taille moyenne, avec un squelette fin et des pattes fines, de longues côtes, un dos et un bassin larges lui permettant de manger de grandes quantités d’herbes et de foins, une poitrine ample et profonde et une musculature athlétique ; le fanon, repli de peau qui pend sous le cou, est souple et peu développé.
Hauteur au garrot à l’âge adulte : environ 145 cm pour le mâle et 135 cm pour la femelle.
Poids à l’âge adulte : environ 1.000 kg pour le mâle et 600 kg pour la femelle.

Qu’est-ce qu’il y a ? J’ai quelques choses sur mes lunettes ?

    Aspect

Robe : pie rouge acajou à ventre blanc et extrémités des pattes blanches, à tête blanche avec des lunettes acajou foncées, une pigmentation acajou à la commissure des lèvres et des moustaches noires ; les trayons sont le plus souvent colorés et les onglons noirs.
Peau et muqueuses : peau blanche et muqueuses rosées.
Tête : la tête est moyenne avec un front large, non bombé, des arcades orbitaires peu saillantes et un chignon de poils non frisés légèrement incurvé en avant ; le chanfrein est droit et rétréci vers les naseaux, le mufle rose et non tacheté et les yeux cernés d’un ruban blanc rosé et implantés au centre de grosses lunettes acajou très foncées ; les oreilles de taille moyenne sont dirigées en arrière et vers le haut ; les tâches sombres autour des yeux, sorte de lunettes des glaciers, constituent probablement une adaptation permettant d’atténuer l’effet du soleil en haute-altitude et d’assurer une protection contre les maladies ophtalmologiques, ce qui fait que si une Abondance pleure lorsqu’elle est au soleil, on peut être sûr que c’est parce qu’elle a du chagrin…
Cornes : assez longues, incurvées vers l’avant puis remontant vers l’arrière, claires sur la majeure partie puis fonçant pour devenir très sombre voire noire à l’extrémité.
Membres : assez fins avec des jambes courtes droites et solides, des canons courts, des sabots assez petits, noirs et très durs.
Queue : plantée haut.

    Ses qualités

C’est la reine fromagère des laitières de haute-montagne car on lui doit moultes fromages AOC renommés et aux senteurs de la flore alpestre ! Alpiniste de haut-niveau, elle a même apparemment des qualités de patineuse insoupçonnées car, lors des journées de l’Alpage de 1999 et 2003, les concours d’Abondance se sont déroulés sur la patinoire de Megève transformée pour l’occasion en piste de présentation ! La thèse d’Audrey Lotte, très documentée, ne précise pas cependant si les Abondances s’étaient équipées pour l’occasion de patins à glace !
Qualités bouchères : son potentiel viande constitue un atout complémentaire à ses qualités fromagères ; les vaches de réforme offrent des carcasses avec une ossature fine de 300 à 380 kg (soit un rendement carcasse d’environ 60%) et les taurillons ont une croissance rapide et importante : ils font environ 630 kg à 18 mois avec eux aussi un rendement carcasse de 60%. En 2003, environ 1.200 Abondance représentant 415 tonnes ont ainsi été commercialisés, dont une bonne partie par la chaine des magasins Carrefour qui a conclut des accords qualité et de distribution avec l’Association Pie rouge des Alpes.
Qualités laitières : elle a une production laitière standardisée d’environ 5.750 litres par an avec un taux de matières grasses d’environ 37°/°° et de matières protéiniques de 33°/°°, ce qui constitue un rapport idéal pour les productions fromagères ; le volume produit constitue une bonne performance pour une race de taille moyenne mais qui ne rivalise pas bien entendu avec les 8.600 litres par an de la championne des laitières, la Prim’Holstein. Dans la catégorie des laitières montagnardes, l’Abondance est également battue par la Montbéliarde (près de 7.450 litres par an et qui la concurrence donc désormais en basse et moyenne montagne mais qui est heureusement moins alpiniste…) mais laisse derrière elle sa co-équipière Tarentaise avec ses 4.850 litres par an avec 36°/°° de matières grasses et 32°/°° de matières protéiniques ! Ainsi, la grande vertu de l’Abondance, c’est la production fromagère, avec un lait, bien équilibré en matières grasses et en protéines et parfumé des senteurs des paturages alpestres ! On lui doit ainsi pas mal de fromages AOC : l’Abondance évidemment et aussi le Reblochon, fromage, inventé au XIIIème siècle par les fermiers de la vallée de Thônes, et qu’ils fabriquaient en récupérant le soir en douce, pour leur profit, une 2ème traite au lait plus riche, la rebloche, qu’ils détournaient du bénéfice des saigneurs propriétaires des alpages… Avec sa copine Tarentaise, son lait entre dans la fabrication du Beaufort et aussi désormais dans celle de la Tome des Bauges. En Isère, elle participe au Bleu du Vercors, dans le Massif Central, au Saint-Nectaire, aux Fourmes, au Cantal… Et l’Ariège a fait appel à ses services pour relancer les estives de montagne et la Tomme des Pyrénées d’estive qui en résulte…
Autres qualités : adaptée à la montagne, elle offre une grande résistance aux amplitudes thermiques, hivernant pendant 7 à 8 mois puis vivant plus de 100 jours en alpage jusqu’à 2.500 m d’altitude en été ; elle offre une résistance incomparable aux variations journalières de température et est-même de ce point de vue plus tolérante que les autres races rustiques Salers, Tarentaise, Montbéliarde, … elles-mêmes plus résistantes que les Holstein, Normande, Charoláise, Limousine et Maine-Anjou. Grande marcheuse et bonne grimpeuse, elle va chercher sa nourriture dans des alpages lointains et escarpés, consommant des fourrages grossiers dans des zones d’accès difficiles qu’elle valorise au mieux ; pilier de la filière des fromages AOC de Savoie, elle participe donc de plus à l’entretien des alpages et participe aussi à la valorisation touristique de la région, véritable symbole de terroir et de typicité et même ambassadrice de la Haute-Savoie. Elle a une longévité importante qui permet de mener le quart des vaches jusqu’en 5ème lactation et au-delà et 8% des vaches font au moins sept veaux. Du fait de sa très bonne aptitude au vêlage, y compris en croisement avec des races bouchères, et de ses facultés maternelles (qualité de ses mamelles et production laitière permettant l’allaitement de deux veaux simultanément), elle est utilisée en élevage allaitant pour la production de viande, notamment dans le Massif Central. L’Abondance comme la Tarentaise, la Montbéliarde et la Salers possèdent cependant un âge au premier vêlage (34 à 35 mois) supérieur de 4 à 5 mois aux autres races laitières car elles appartiennent à des races rustiques qui atteignent la puberté plus tardivement que les autres races spécialisées telles que la Prim’Holstein ou la Normande.

    Pour en savoir plus…

- Le site sur la race Abondance de l’UPRA qui en a la charge,
- La page sur la race Abondance de l’Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement,
- La page sur la race Abondance du site Vaches du monde,
- La page de données sur la race Abondance du Bureau des Ressources Génétiques, organisme gouvernemental français,
- La race bovine Abondance : situation actuelle et perspectives d’avenir, thèse de doctorat vétérinaire très complète sur la race Abondance de Audrey Lotte, École Nationale Vétérinaire de Lyon, 11 juillet 2006 ; cette thèse analyse notamment dans le détail les risques de cosanguinité qui pourraient compromettre demain la variabilité nécessaire au développement durable de la race… Le même problème se pose d’ailleurs pour toutes les anciennes races à effectif modeste voire réduit, surtout depuis que la technique d’insémination artificielle est utilisée pour conduire une politique drastique de sélection reposant sur quelques beaux-mâles triés sur le volet…

…Et je vous conseille de faire un détour pour aller rendre visite à Constance l’Abondance, défenseuse locale de la corne ! Et votez pour elle !

Qu’on me donne un piolet et j’escalade l’Everest !

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