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Vinaigre : le faire soi-même

Posted By René de la recette du dredi On 9 septembre 2008 @ 05:01 In La leçon du mardi | 34 Comments

Du vinaigre [1] maison ?

Pourquoi pas ?

Ce n’est pas si compliqué de faire cette ressource condimentaire incontournable… personnalisée à son goût !

Pour commencer, il faut un ou plusieurs bon vinaigriers…

Les meilleurs, de mon point de vue, sont ceux en grès ou en faïence et les plus pratiques ceux en forme de tonnelet posés horizontalement sur un berceau et ceux en forme de tonnelet ou de jarre reposant sur leur fond. Il y en a aussi en forme de grosse gourde en grès ou en faïence que l’on peut suspendre… Pour ces vinaigriers à suspendre (mais également pour les autres quoique généralement dans une moindre mesure…) attention ! Car des vapeurs acides du vinaigre s’échappent du récipient par son robinet, ses bouchons ou ses parties poreuses non vernissées… et en général il y a peu de matériaux qui apprécient d’être exposés à ces émanations acides… et en particulier pas les plâtres, les peintures, les métaux, les bois, les joints de carrelage, …

Pour prévenir les dégats éventuels, on disposera donc un plat vernissé ou en faïence de forme et de dimension adéquate dans lequel on placera les vinaigriers posés pour éviter que des suintements de vinaigre par la canelle ne détériorent le substrat… Si le vinaigrier [2] est suspendu, il devra être placé à au moins environ 20 cm de murs ou de parois de meubles pour éviter que les émanations acides ne détériorent peinture, plâtre ou bois…

Il y a aussi des vinaigriers en bois, sous forme de tonneaux… Mais là, sauf si ce sont de bons vieux tonneaux à vinaigre bien culottés, ils risquent de mal vieillir au contact du vinaigre et dans tous les cas être propices à la diffusion d’émanations acides tous azimuths…

La contenance idéale pour un vinaigrier familial est de 5 l, ce qui permet d’avoir environ 3 l de vinaigre en préparation, par type de vinaigre. Car on peut avoir plusieurs vinaigriers pour cultiver différents vinaigres : de vin rouge, de vin blanc, de cidre, de Xérès, d’alcool de riz, …

Mettre un vinaigrier neuf en route

Si le vinaigrier est en bois, l’ébouillanter puis l’emplir d’eau après avoir bouché l’orifice de prélèvement, boucher l’orifice de remplissage et laisser plusieurs jours en eau, jusqu’à ce qu’il ne suinte plus, en renouvelant l’eau tous les jours.

Acheter une cannelle [3], le petit robinet en bois qui permet de soutirer le vinaigre, de dimension adéquate, la laver et la rincer soigneusement puis la mettre à tremper 24 heures dans de l’eau froide avec son joint d’étanchéité en liège…

Laver et rincer soigneusement le vinaigrier, l’ébouillanter et l’essuyer. Enfoncer très fortement la cannelle encore humide dans l’orifice qui lui est destiné, remplir le vinaigrier d’eau, fermer l’orifice de remplissage avec son bouchon en liège ou son couvercle en céramique puis laisser ainsi au moins une journée. Si l’eau suinte par la canelle renfoncer de nouveau cette dernière et, dans tous les cas, maintenir le tout rempli d’eau fraîche en la renouvelant chaque jour, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucune suintement…

Où mettre le vinaigrier ?

Avant de choisir l’emplacement, il est bon de savoir comment l’alcool tourne vinaigre !

La transformation naturelle d’un liquide alcoolisé en vinaigre est le résultat d’une fermentation, dite acétique, produite par une bactérie, Acetobacter suboxydans, appelée à l’origine Mycoderma aceti par Christiaan Hendrik Persoon lorsqu’il identifia son rôle en 1822 car il pensait alors que c’était un champignon microscopique et non une bactérie. Cette bactérie transforme en effet l’éthanol du vin, du cidre, de la bière, … en acide acétique. Pour les petits chimistes ;) , voici l’équation de la réaction produite par Acetobacter suboxydans telle qu’identifiée par Louis Pasteur en 1864 :

C2H5OH + O2 ←→ C2H4O2 + H2O + 348 kJ

Pour qu’Acetobacter suboxydans travaille bien, il faut qu’elle se trouve dans de bonnes conditions, c’est à dire au contact, d’une part, d’un liquide limpide et d’une teneur en alcool d’environ 8 à 14% et, d’autre part, d’air renouvelé, le tout à une température idéalement comprise entre 20 et 30°C. Dans cette gamme de température, la bactérie « acétise » d’autant plus rapidement que la température est élevée… En dessous de 20°C, son activité ralentit et vers 15°C, elle roupille ! Et puis le gel lui est fatal…

On comprend ainsi qu’il faut placer le vinaigrier dans un endroit de la maison aéré et dont la température sera optimalement de 20 à 25°C et ne descendra pas en dessous de 15°C tout au long de l’année… La cuisine, un appentis bien abrité mais aéré, un grenier peuvent donc convenir. En revanche la cave à vin est à proscrire non seulement parce qu’en général elle est trop froide (12-15°C) mais aussi surtout parce que, si la température monte un petit peu, la culture d’Acetobacter suboxydans de votre vinaigrier pourrait bien se ballader pour transformer vos précieuses bouteilles de Chateau d’Yquem et de Gevrey-Chambertin en délicieux vinaigres de vins blanc et rouge qui, n’en doutons pas, agrémenterons à merveille vos salades de crudités ! :D

Démarrer la culture du vinaigre

    Vous avez déjà une mère…

… de vinaigre, évidemment…

La mère de vinaigre, c’est le disque visqueux qui flotte dans un vinaigrier au dessus du liquide : c’est la colonie d’Acetobacter suboxydans besogneuses qui acétise l’éthanol en vinaigre pour vous ! Si vous avez un vinaigrier actif, videz le délicatement par l’orifice de remplissage de manière à récupérer la mère dans un récipient creux. Coupez la mère en deux à l’aide de ciseaux puis redéposer délicatement une moitié de la mère dans son vinaigrier d’origine à la surface du liquide, sans qu’elle coule dans le fond ! Et là, je peux vous dire que c’est pas facile !

Verser 2 à 3 litre de bon vin rouge ou de bon vin blanc ou de cidre fermier brut (non pasteurisé) dans le nouveau vinaigrier puis déposer délicatement l’autre moitié de la mère à la surface du liquide et de nouveau sans qu’elle coule dans le fond !

Si vous n’avez pas de mère mais un ou une bon(ne) ami(e) qui en a une, il pourra peut-être vous céder un morceau de la sienne ? Dans ce cas, le ou la remercier, et faire voyager son morceau de mère jusqu’à chez vous, en transport express, cette dernière baignant dans un fond de vinaigre dans un récipient étanche, puis la déposer sans tarder dès votre arrivée à la surface du liquide de votre vinaigrier toujours en essayant de ne pas la faire couler… Dur, dur…

Dans la mesure du possible, on utilise cette technique de division de la mère pour des vinaigres de même nature… à la rigueur, on peut utiliser une mère de vinaigre de cidre pour du vin blanc ou une mère de cidre ou de vin blanc pour du vin rouge ou rosé…

Mais la solution la plus simple si votre mère ne veut pas flotter mais tient à tous prix à jouer au fer à repasser sur le lac des Cygnes, c’est la suivante.

    Vous n’avez pas de mère…

Finalement, c’est peut-être pas plus mal car manipuler une mère et la remettre à la surface du liquide dans un vinaigrier sans qu’elle coule n’est pas une opération facile ! La solution ci-dessous est donc certainement la plus simple et la plus sûre !

Vous procurer 25 cl de bon vinaigre de vin rouge, de vin blanc, de cidre, de Xérès, … mais attention pur et non pasteurisé ! Le verser avec un litre du liquide alcoolique destiné à être acétifié dans le vinaigrier… Attention, ne pas fermer l’orifice de remplissage du vinaigrier avec son bouchon ou son couvercle mais avec une gaze (que l’on fixera si nécessaire avec de la ficelle de cuisine) pour que le mélange vin vinaigre puisse être bien aéré. Mettre le vinaigrier dans un endroit tranquille et à température stable, idéalement 25°C, le temps nécessaire que le voile de la mère se forme puis se développe jusqu’à occuper la totalité de la surface du liquide ; ça prend 15 jours à 3 mois selon la température… Si l’on n’est pas sous les tropiques, il est donc astucieux de lancer l’opération vers juin ou décembre, selon qu’on est de l’hémisphère nord ou sud, pour profiter de la chaleur de l’été.

Une fois la mère prête, finir [4] de compléter très délicatement le vinaigrier au 3/5ème avec vin rouge ou vin blanc ou cidre, … en le penchant et en faisant couler très doucement le complément par l’orifice de remplissage, sur le côté de la mère, sans créer de remous qui risqueraient de faire couler la mère et de l’asphyxier ! Un entonnoir à long col ou à col prolongé par un bout de tuyau en plastique que l’on glisse sous la mère pour introduire le complément peut s’avérer très utile !

Recouvrir l’orifice de remplissage avec la gaze et laisser reposer 2 ou 3 jours puis remplacer la gaze par le couvercle, bouchon en liège ou chapeau en grès ou en terre cuite, mais sans que cette fermeture soit ajustée pour que de l’air puisse continuer à pénétrer dans le vinaigrier… Placer le vinaigrier dans l’endroit calme choisi et attendre au moins 2 à 3 semaines avant de prélever du vinaigre.

La conduite du vinaigrier

Pour un vinaigrier d’une capacité de 5 litres et contenant donc environ 3 litres de vinaigre en acétification, l’idéal est de faire des prélèvements d’environ 50 cl grâce à la canelle de soutirage puis d’ajouter délicatement la même quantité de liquide alcoolisé de remplacement par l’orifice de remplissage. L’ajout au fur et à mesure des restes de bonnes bouteilles de vin, de Champagne, de Crémant, … seront les bienvenus dans la mesure où ils ne sont ni éventés ni suris et qu’on élimine leurs éventuels dépôts ou leur lie…

Selon le degré alcoolique des liquides que vous ajoutez (8 à 14% volumique), vous obtiendrez un vinaigre titrant 5 à 8° (% d’acide acétique). Il est possible d’évaluer le degré de son vinaigre avec un pèse-vinaigre !

Au moins chaque année au début du printemps, vérifier que la mère se porte bien et qu’elle ne s’est pas noyée pendant l’hiver. Vérifier également qu’elle n’est pas devenue trop envahissante auquel cas il faut en éliminer une partie. C’est une opération délicate mais elle est nécessaire car, trop lourde, la mère finit par couler pour finir en grosse pelure sèche dans le fond du vinaigrier…

Si c’est le cas, vider le vinaigrier en éliminant le fond chargé de particules et de morceaux de mère morte ; filtrer [5] le vinaigre pour éliminer toutes particules en suspension puis régénérer une nouvelle mère en mélangeant 1/2 litre de votre vinaigre avec 1 litre du liquide alcoolisé à acétifier comme indiqué plus haut… C’est aussi une bonne occasion pour changer la cannelle en bois et son joint en liège…

Aromatiser son vinaigre…

Cette opération se fait en bouteilles une fois le vinaigre prélevé. Ne surtout pas mettre d’aromates, d’herbes, de fruits ou d’épices dans le vinaigrier !

Vous pourrez ainsi aromatiser vos vinaigres à l’estragon [6], au basilic [7], aux framboises, aux mûres, au gingembre [8], … et que sais-je encore comme le montre par exemple la quarantaine de recettes répertoriées par q-uisine.net [9] !


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[3] cannelle: http://blog.deluxe.fr/imm-glossary/Title/cannelle

[4] finir: http://blog.deluxe.fr/imm-glossary/Title/finir

[5] filtrer: http://blog.deluxe.fr/imm-glossary/Title/filtrer

[6] estragon: http://blog.deluxe.fr/imm-glossary/Title/estragon

[7] basilic: http://blog.deluxe.fr/imm-glossary/Title/basilic

[8] gingembre: http://blog.deluxe.fr/imm-glossary/Title/gingembre

[9] la quarantaine de recettes répertoriées par q-uisine.net: http://www.q-uisine.net/vinaigre/vinaigre.html