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Bovins : le choix des viandes selon leur usage

Posted By René de la recette du dredi On 26 novembre 2008 @ 05:59 In Le truc du mercredi | 11 Comments

Quelques préliminaires biochimiques pour ceux qui aiment comprendre !

Si on veut comprendre le pourquoi de ce qui suit, il faut se rappeler qu’une viande [1] de vertébré est composée de différents éléments :
- les fibrilles musculaires ou myofibrilles qui constituent l’essence même de la viande ; selon l’usage des muscles qu’elles constituent, ces fibrilles sont plus ou moins courtes ou longues, les muscles fournissantdes efforts dirigés importants, par exemple pour actionner de grands os du squelette, ayant les fibrilles les plus longues… et les plus longues sont, non seulement les moins courtes, mais aussi les plus fermes (et vice et versa !) ;
- les espaces entre ces fibrilles qui contiennent un plasma riche en protéines : 60% d’albumine et 40% de globulines ; l’albumine, substance produite par le foie, est essentielle pour les phénomènes d’osmose entre le plasma et les fibrilles et les globulines sont la source nutritive des fibrilles ; chez les vertébrés, les globules blancs du sang conduisent des « troupeaux» de globules rouges dans ces plasmas où les globules rouges se transforment en une autre protéine, la myoglobine, qui constitue une pompe et un réservoir à oxygène pour nourrir les fibrilles lorsque celles-ci font un effort violent ou soutenu ; cette myoglobine, rare à la naissance des vertébrés, met un certain temps à se développer surtout chez les petits nourris au lait et qui ne font pas beaucoup d’exercice… par contre, plus un vertébré fait de l’exercice par monts et par vaux en vaquant à ces occupations et plus il vieillit, plus il accumule de myoglobine dans sa viande et plus sa chair [2] prend la coloration rouge vif caractéristique de cette protéine ! Par ailleurs, le plasma qui est la source de jutosité de la viande… plus un muscle est bien irrigué de plasma au cours de sa carrière et plus la viande sera juteuse ! Les muscles proches de grosses artères et soumis à des efforts violents ou soutenus sont donc favorisés de ce point de vue !
- les tissus conjonctifs, sorte de peaux internes aux muscles qui enveloppent les fibrilles musculaires et leur plasma, qui sont constitués à 80% de collagène et à 20% d’élastine ; ces tissus conjonctifs sont une des principales cause de dureté d’une viande fraîche ; or, pour éviter les risques de déchirure musculaire, les muscles soumis aux efforts les plus puissants ou violents sont ceux qui sont les plus riches en tissus conjonctifs… ainsi, plus la chair a travaillé et plus elle est vieille, plus elle contient de tissus conjonctifs et plus elle est dure ! D’aucuns en conclueront que là où il y a du collagène, il n’y a pas de plaisir… Que nenni ! car ces tissus conjonctifs se transforment par contre en cuisant lentement vers 100°C en une tendre gélatine qui parfume la chair et la rend moelleuse !
- des acides gras insaturés, appelés gras ou graisse, stockés par le vertébré pour constituer des réserves alimentaires à long terme lorsque celui-ci est bien voire sur-nourri ! Comme chez l’homme (et la femme…), ces graisses s’accumulent dans le corps de la bête sous trois formes : 1) une couverture plus ou moins épaisse de gras sous-cutané ou autour d’abats ou de certains os (les côtes notamment), 2) des dépôts intramusculaires et enfin 3) un fin réseau entre les fibrilles musculaires, appelé persillé ou marbré ; les conditions d’élevage, d’alimentation et l’âge, déterminent la quantité de graisses et sa répartition sous ces différentes formes ; le gras sous-cutané ou intra musculaire peut être éliminé en très grande partie lors de la découpe des pièces de viande et la préparation des morceaux ; par contre, on ne peut rien faire pour éliminer le persillé et c’est tant mieux car c’est un élément primordial pour la saveur, la jutosité et la tendreté de la viande une fois cuite !

Bon à part ça, il y a des aussi d’autres éléments indésirables que l’on trouve dans la viande : les vaisseaux sanguins et les nerfs… dans tous les cas, il vaut mieux que la viande ait été bien « dénervée » de ces éléments lors de sa préparation car ils n’apportent rien d’un point de vue gastronomique, bien au contraire…

Et, pour les fans de ce qui vient d’être évoqué, je recommande la lecture de la Viande : au fait, la viande, qu’est-ce-que c’est ? [3]  qui apporte quelques précisions bio-chimiques supplémentaires…

Ceci étant dit…

 Rien de tel qu’un petit schéma pour localiser les différentes pièces sur une bête découpée « à la Parisienne » avant de passer à la suite !

Les pièces de boeuf découpées “à la Parisienne”. [4]

Les pièces à rotir et à griller
On utilise pour cet usage :

    les pièces d’aloyau (muscles lombaires de la partie arrière de l’animal) pour les rôtis de très grande qualité :

- le filet, muscle statique jouant un rôle d’amortisseur entre les vertèbres lombaires et l’appareil [5] digestif, c’est un morceau à fibres courtes, extrêmement tendre et au coût très très élevé ; tout en longueur et cylindrique, il se compose de trois parties : la pointe ou queue, le cœur et la tête formée de petits muscles légèrement décollés ; en dépit de son goût très peu prononcé, le filet est la pièce de bovin la plus appréciée du fait de sa tendreté subtile et quasiment fondante, ; stricto sensu, c’est « la seule et unique pièce » dans laquelle sont taillés les tournedos et les Chateaubriand (nom donné à des « tournedos » d’environ 3 cm d’épaisseur alors que le tournedos en fait plutôt 2…) , les autres pièces ainsi découpées devant être normalement désignées comme « préparées à la façon tournedos ou Chateaubriand » ; le filet peut être apprêté en biftecks ainsi qu’en brochettes ou en viande à fondue mais évidemment, vu le prix, pour de très très grandes occasions et uniquement pour les « homo sapiens sapiens var. gigantus brouzoufis » ! Le filet mignon est un autre muscle situé le long des premières vertèbres dorsales ; convenablement paré, il peut être vendu en biftecks ou en rôti mais est le plus souvent utilisé dans les daubes et les bourguignons : contrairement a ce qui indiqué par certains et notamment sur de nombreux sites web anglo-saxons, rien à voir avec le filet proprement dit…
- le faux-filet, ou contre-filet, maigre, à fibres courtes, très tendre, goûteux, au coût élevé pour rôtis, « pseudo » Chateaubriand et tournedos, brochettes, viande à fondue ou biftecks : après le filet, il est considéré comme le deuxième morceau le plus noble de la viande bovine ;
- le rumsteck (de l’anglais rump – croupe – car c’est la pièce la plus arrière de l’aloyau et steak – tranche de grillade -), maigre, à fibre courtes, extrêmement tendre et savoureux, au coût élevé, pour rôtis et également brochettes, viande à fondue, biftecks et éventuellement « pseudo » Chateaubriand ou tournedos ; il comprend l’aiguillette et le milieu lui-même composé de la boule et du filet de rumsteck ; ce dernier est pratiquement équivalent au filet ordinaire en plus gouteux, alors que la boule, plus maigre et plus dure, nécessite de rassir plus longtemps pour être grillée ou rôtie ;

    les pièces dorsales du train de côtes utilisées grillées :

- les côtes ou côtes à l’os (parfois appelées côtes anglaises), d’un coût élevé, à fibres courtes, très tendres, persillées et savoureuses, vendues avec os en tranches de 4 à 8 cm d’épaisseur ou préparées sans os pour rôtis,
- les entrecôtes (couvertes), d’un coût élevé, à fibres courtes, très tendres, persillées et savoureuses, vendues désossées en tranche d’environ 1,5 cm d’épaisseur ou préparées en rôtis,
- les basses-côtes ou entrecôtes découvertes, au coût modéré mais moins tendres que les côtes et les entrecôtes, persillées mais assez grasses et donc « moins présentables », elles gagnent à être marinées puis coupées en fines tranches avant d’être grillées ; elles sont aussi utilisées braisées ;

    et puis des pièces isssues des cuisses et de la partie inférieure du coffre, utilisées le plus souvent pour des biftecks, entiers ou hachés, mais aussi, pour celles qui sont volumineuses, pour des rosbifs :

- l’aiguillette baronne, de forme longue et conique, très tendre, maigre et d’un coût élevé, sœur jumelle de l’aiguillette du rumsteck, utilisée pour des biftecks ou lardée pour des rosbifs mais surtout utilisée pour réaliser des braisés de grande qualité,
- le talon de la tende de tranche (appelé aussi simplement tranche), viande courte, tendre et maigre, au coût élevé, utilisée pour biftecks, rosbifs, brochettes et viande à fondue ; le dessous de tranche, d’épaisseur irrégulière et un peu ferme est vendu le plus souvent haché, la partie la plus épaisse, à fibres courtes, pouvant être détaillée en biftecks ;
- la bavette d’aloyau, muscle de l’abdomen dont la forme rappelle une bavette d’où son nom, aux fibres longues et peu serrées, savoureuse et très tendre lorsque bien rassis et tranchée en travers des fibres, au coût élevé, utilisée en biftecks,
- l’onglet, viande longue très tendre au coût élevé, une des pièces dites « du boucher » (car la tradition veut que le boucher réserve ces pièces rares et difficiles à préparer pour ses fidèles amateurs et ses proches ! -), utilisé en biftecks à déguster saignants car il durcit à la cuisson [6],
- la poire, petit muscle rond et charnu en forme de poire pesant environ 600 g, à fibres courtes, très tendre au coût élevé ; autre pièce du boucher, elle donne d’excellents biftecks et fait merveille en fondue,
- le merlan, petit muscle long et plat comme le poisson du même nom, pesant environ 1 kg, aux fibres courtes, très tendre et au coût élevé, une autre pièce du boucher utilisée en bifteck ;
- l’araignée, petit muscle de tout au plus 750 g de forme très irrégulière, dont les fibres ressemblent aux pattes d’une araignée, très tendre et juteuse, au coût assez élevé, encore une pièce du boucher, utilisée en bifteck une fois bien dénervée ; la fausse araignée : muscle « jumeau » de l’araignée et qui lui ressemble est plus déchiquetée et moins présentable que sa « jumelle » : mieux vaut la destiner à la fondue bourguignonne.
- la hampe, aux fibres longues et très apparentes, tendre et au coût modéré, la dernière des pièces du boucher, utilisée en biftecks,
- le rond de gîte, morceau rond et long, maigre, tendre, savoureux et d’un coût assez élevé, utilisée pour des biftecks, ainsi que lardé pour des rosbifs,
- la tranche grasse, grosse pièce de la face interne de la cuisse qui inclut le rond, le plat, le mouvant et la nourrice, peu tendre, au coût assez élévé, utilisée pour biftecks, rosbifs, brochettes et viande à fondue,
- la macreuse à bifteck dite aussi noix ou boule de macreuse, tendre, rouge foncée, assez maigre et divisée en deux par un nerf central, au coût modéré, utilisée pour biftecks et brochettes,
- le jumeau à bifteck, muscle long mais à fibres courtes, assez tendre, au coût modéré, utilisé pour biftecks et brochettes,
- la fausse pointe de tende de tranche, assez tendre, au coût modéré, utilisée pour biftecks et rosbifs,
- le mouvant de tranche grasse, peu tendre, au coût modéré, utilisé pour biftecks, brochettes et viande à fondue.

Les pièces à braiser [7]
Pour cet usage, on classe généralement par ordre décroissant de qualité :
- l’aiguillette baronne, très tendre, maigre et d’un coût élevé à utiliser pour des braisés de très grande qualité,
- le filet mignon, tendre et d’un coût assez élevé, que l’on peut également utiliser grillé,
- les basses-côtes, au coût modéré, tendres et assez grasses, que l’on peut également utiliser grillées,
- la pointe de culotte et la pointe de tende de tranche, tendres, maigres et savoureuses, au coût modéré, également utilisées en pot-au-feu,
- le gîte à la noix, d’un coût plutôt bas, partie arrière du milieu de la cuisse qui comprend en fait le gîte à la noix, la semelle, le rond de gîte (voir plus haut) et le nerveux de gîte à la noix ; le gîte à la noix est un muscle long et tendre utilisé pour des braisés voire parfois des rôtis et aussi en pot-au-feu ; la semelle ou culotte est assez maigre, à fibres courtes mais assez ferme ; le nerveux de gîte à la noix, ou gousse d’ail [8], à fibres courtes est situé le long de l’os de la cuisse ; il se compose d’une partie très tendre, épaisse de 3 cm, utilisée pour des pavés, des steaks ou de la viande à fondue et d’une autre, séparée en son milieu par un nerf, qui se découpe également en steaks de second choix ; entre les deux se trouve la galinette, un petit muscle de 400 g très nerveux et très gélatineux, qui prolonge le tendon d’Achille et actionne l’articulation ; la structure de la galinette exige une cuisson longue et lente ;
- le jumeau à pot-au-feu et le paleron ou macreuse à braiser, assez tendre, moelleux, gélatineux et ne déssèchant pas, au coût modéré et qui peuvent être utilisés en pot-au-feu ou pour des hachis,
- le premier talon, tendre et au coût modéré, également utilisé en pot-au-feu,
- le plat-de-côtes, commercialisé désossé ou non, peu tendre mais savoureux et d’un coût bas ; sert également en pot-au-feu et, bien dénervé, peut éventuellement être utilisé pour des brochettes ;
- la bavette de flanchet, située au niveau de l’aîne, peu tendre avec des fibres longues et fermes, d’un coût modéré, également utilisé en pot-au-feu ou éventuellement grillée si elle est très bien dénervée,
- le tendron, muscle de la paroi abdominale formée de couches de muscles alternées avec des tissus graisseux et le cartilage des côtes, peu tendre, au coût modéré, également utilisé en pot-au-feu,
- la surlonge, ferme, au coût modéré, également utilisée en pot-au-feu,
- le gîte-gîte (jarret avant ou arrière), peu tendre, charnu, gélatineux et d’un coût bas, également utilisé en pot-au-feu ; son os est l’os dit à moelle.
- la veine maigre du collier ou deuxième talon, peu tendre, d’un coût bas, également utilisée en pot-au-feu.

Les pièces à bouillir
Le choix va de pièces plutôt nobles à d’autres de qualités inférieures…

    Pour les plus nobles :

- la pointe de culotte et le milieu et la pointe de tende de tranche, tendres, maigres et savoureuses, au coût modéré,
- le jumeau à pot-au-feu, le paleron à braiser et la macreuse à pot-au-feu, assez tendres, moelleux et gélatineux, au coût modéré,
- le premier talon, tendre et au coût modéré,
- le gîte à la noix, peu tendre et d’un coût bas.

Ces pièces sont idéales pour les daubes et les bourguignons…

    ensuite :

- la bavette à pot-au-feu, muscle long et plat d’environ 600 à 900 g qui enferme, en sandwich, la bavette d’aloyau,
- le plat-de-côtes, commercialisé désossé ou non, peu tendre mais savoureux et d’un coût bas et qui, bouilli, est parfait pour hachis, farces et effilochés,
- la bavette de flanchet, peu tendre avec des fibres longues et fermes, d’un coût modéré.
- le gros bout de poitrine, situé sous l’épaule et constitué de trois muscles pectoraux séparés de couches cartilagineuses, avec une viande entrelardée et savoureuse ; il est préféré par certains amateurs à d’autres morceaux plus maigres, comme la macreuse ou le jumeau,

    et enfin :

- la charolaise, située dans la région du coude de l’épaule, très osseuse, peu tendre et d’un coût modéré,
- le gîte-gîte (jarret avant ou arrière), peu tendre, charnu et gélatineux, d’un coût bas, et qui fournit l’os à moelle,
- la griffe qui relie l’épaule au collier, peu tendre, au coût modéré, à associer à des morceaux plus gras et plus moelleux, car elle est très maigre,
- le tendron, peu tendre, au coût modéré,
- la surlonge, ferme, au coût modéré,
- le flanchet, composé des muscles de l’abdomen, à fibres longues, gras, sans os, peu épais et à texture cartilagineuse grossière, un peu ferme mais par contre très goûteuse et d’un coût bas ; la viande bouillie mérite d’être utilisée pour hachis et farces ;
- la veine maigre du collier ou deuxième talon, peu tendre, d’un coût bas.
- la poitrine, couches alternées de muscles longs et plats et de couches cartilagineuses, le plus souvent vendue roulée et ficelée, et la veine grasse du collier, peu tendres et d’un coût bas.
- les jarrets avant et arrière,
- les faux morceaux de la tranche grasse.

    Et, pour les pots-au-feu, ne pas négliger non plus plusieurs abats :

- les joues, tendres, gouteuses, maigres et d’un coût modéré à bas,
- la queue dont la viande peu tendre mais moelleuse et gélatineuse est très savoureuse et d’un coût modéré ; l’os parfume en outre agréablement les préparations et constitue notamment la base du fameux potage anglais « ox-tail »,
- et évidemment les os à moelle !

À noter que pour un pot-au-feu traditionnel, on marie souvent en proportions égales plusieurs types de pièces différentes : des morceaux plutôt maigres, d’autres plutôt gras, d’autres plutôt gélatineux et en plus des os ; par exemple : gîte à la noix, paleron ou macreuse et pièces avec os telles que charolaise, gîte, jarret…


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[2] chair: http://blog.deluxe.fr/imm-glossary/Title/chair

[3] Viande : au fait, la viande, qu’est-ce-que c’est ?: http://blog.deluxe.fr/trucs-astuces-et-elements-de-choix/viande-sa-constitution.html

[4] Image: http://blog.deluxe.fr/wp-content/uploads/2008/11/pieces-de-boeuf.jpg

[5] appareil: http://blog.deluxe.fr/imm-glossary/Title/appareil

[6] cuisson: http://blog.deluxe.fr/imm-glossary/Title/cuisson

[7] braiser: http://blog.deluxe.fr/imm-glossary/Title/braiser

[8] ail: http://blog.deluxe.fr/imm-glossary/Title/ail